S’étant vu confier la direction du projet nEUROn, mené dans le cadre d’une coopération associant six pays [France, Italie, Suède, Suisse, Grèce et Espagne], Dassault Aviation a su développer un drone de combat particulièrement performant tout en respectant le budget qui lui avait été alloué.

Désigné maître d’œuvre pour l’avion de combat de nouvelle génération [NGF pour Next Generation Fighter], qui correspond au pilier n°1 du projet de Système de combat aérien du futur [SCAF], l’industriel français entend mettre en place le même type de coopération que celui du nEUROn, et donc disposer de toute la latitude nécessaire dans le choix des sous-traitants.

Ce qu’Airbus, représenté par ses filiales allemande et espagnole, conteste, le groupe européen souhaitant reproduire un modèle de coopération calqué sur celui mis en place pour le développement et la production de l’avion de combat Eurofighter EF2000/Typhoon.

Lors d’une audition au Sénat, en juin, le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, n’a pas ménagé ses critiques à l’endroit de cette approche.

« La gouvernance d’Eurofighter consiste à faire une JV [joint venture ou coentreprise], tout le monde met sa propriété intellectuelle au milieu, on donne tout à tout le monde et puis on fait un avion qui, finalement, répond aux besoins de chaque industriel », a-t-il d’abord expliqué. Finalement, a-t-il ajouté, « ça a coûté plus cher à chaque pays [Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni, ndlr] de faire l’Eurofighter à quatre qu’à la France de faire le Rafale. Et regardez les résultats du Rafale ».

Plus tôt, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait indiqué aux députés qu’il fallait avoir une « discussion franche sur le fonctionnement et la gouvernance » du projet SCAF. « On voit bien, en fait, que c’est très compliqué de faire un avion de chasse à trois pays. Comment, au fond, on a quelque chose qui peut convenablement bien vieillir dans la collaboration et la structuration du programme ? Ça, on n’a pas encore commencé à en parler avec les partenaires », avait-il développé.

Seulement, en Allemagne, on se montre très réticent à revoir ces règles de gouvernance. « Je tiens absolument à ce que nous respections les accords conclus avec la France et l’Espagne au sujet du SCAF. Ce projet pourrait être intéressant pour la défense européenne. Nous avons besoin d’un tel avion », a ainsi déclaré le chancelier Friedrich Merz, tout en admettant que les « divergences de vues sur la composition de ce consortium ne sont pas encore résolues ».

Alors que, à l’occasion de la présentation des résultats semestriels de Dassault Aviation, M. Trappier est revenu à la charge sur ces questions de gouvernance, le président Macron et le chancelier Merz ont évoqué ce sujet au cours d’un souper de travail, le 23 juillet, à Berlin. Cependant, aucune avancée n’a été annoncée.

MM. Macron et Merz ont demandé aux ministres de la Défense « d’évaluer une perspective réaliste de coopération future au sein du consortium SCAF et de présenter des propositions pour résoudre les conflits existants », a déclaré un porte-parole du gouvernement allemand. « L’attente de Berlin est que Dassault respecte les accords existants », a-t-il ajouté… Ce qui limite le champ des possibles, l’industriel français n’ayant visiblement pas l’intention de céder le moindre pouce de terrain sur ses exigences.

Quoi qu’il en soit, M. Lecornu et son homologue allemand, Boris Pistorius, devront rendre leur copie d’ici la fin août, c’est-à-dire avant le prochain Conseil franco-allemand de défense prévu à Toulon.