Opinion
Livre –
Reporter ans frontières publie 100 photos de Vivian Maier
L’album est vendu pour la liberté de presse. C’est l’occasion de retrouver un mythe du 8e art célébré en ce moment à Padoue.
Publié: 24.07.2025, 20h41
L’affiche lançant l’opération 2025. Le livre est sorti le 5 juin.
DR, Succession Vivian Maier.
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C’est le tome 79, mais certaines séries n’ont par définition jamais de fin. Toutes ne se prolongent heureusement par seul appât du lucre. Reporters sans frontières publie ainsi «100 photos pour la liberté de presse». Un ouvrage dont les bénéfices iront au soutien d’une cause devenue toujours plus difficile. Pour la première fois, comme le révèle une carte en fin de parcours, la fameuse liberté passe globalement en «situation difficile». La chose reste bien sûr due aux pressions politiques et économiques. Mais plus seulement. «Les médias ferment dans un pays sur trois.» La situation n’est guère plus «bonne» que dans cinq pays au monde, dont le Groenland. Elle demeure «plutôt bonne» dans nombre de pays d’Europe de l’Ouest comme la Suisse. L’Asie se révèle en revanche rouge vif sur la carte, à l’exception du Népal, de la Thaïlande et de la Mongolie. Autant dire que là la situation est «très grave». Autrement dit désespérée.
Gouvernante d’enfants à New York
Qui est l’auteur des images offertes cette fois pour défendre la liberté de presse? Il s’agit de Vivian Maier, dont je viens de vous parler à propos de la rétrospective organisée à au Centro Culturale San Gaetano de Padoue (1). L’histoire de cette nounou est désormais bien connue. Je vous la rappelle en quelques mots. Née aux USA de parents français et autrichien, la femme a vécu en s’occupant d’enfants de la riche bourgeoisie de New York ou Chicago. Elle emportait toujours avec elle son Rolleiflex. La femme a ainsi pris 140 000 images, qu’elle n’avait pas les moyens de développer, et encore moins de tirer. Le tout a été découvert fortuitement lors de la mise en vente du dépôt dont Vivian n’avait pas pu payer le loyer. Manquait son nom. L’acquéreur ne l’a découvert que quelques jours après la mort de la vieille dame. Une dame aujourd’hui devenue une icône ne la «street photography». Le genre américain par excellence des années 1940 à 1980.
Un choix difficile
Que retenir pour un tel album? Le choix tenait de la quadrature du cercle, ce qui tombe après tout bien pour des photos carrées. Pour ceux qui ne connaissent quasi rien au 8e art, il fallait bien sûr des icônes. Elles ont quelque chose de parlant. Les amateurs ont pour leur part envie d’inédit. Il doit fatalement en rester sur les 140 000 images de Vivian. Je dirais que le résultat, préfacé par la romancière Camille Laurens, penche plutôt du côté des redites. Mais il s’agit souvent là d’images formidables, nous parlant en profondeur de l’Amérique du boom économique qu’a connu le pays de la fin de la guerre de Corée aux manifestations contre celle du Vietnam. Il y a ainsi beaucoup de portraits frontaux, qui ne sont jamais des instants volés. Les intéressés regardent la caméra droit dans les yeux. Vivian traverse ainsi dans la rue toutes les classes de la société, des quartiers huppés à ceux alors réservés aux migrants et aux Noirs. Elle le fait avec empathie, mais non sans un brin d’ironie complice.
Prix doux
Voilà. Rien à dire d’autre, sinon que vous vous ferez pour une fois plaisir avec une bonne action. L’impression me semble en plus correcte pour le prix. Soit dit en passant, les diffuseurs helvétiques ne se sont cette fois pas arrosés au passage. Ces gens-là auraient-ils donc une âme? Si tel était le cas, comme on dit en langage journalistique, ce serait un «scoop».
(1) Elle dure jusqu’au 25 octobre. C’est une réussite totale.
Pratique
«100 images pour la liberté de presse, Vivian Maier», avant-propos de Camille Laurens, édité par Reporter sans frontières, 144 pages.
Né en 1948, Etienne Dumont a fait à Genève des études qui lui ont été peu utiles. Latin, grec, droit. Juriste raté, il a bifurqué vers le journalisme. Le plus souvent aux rubriques culturelles, il a travaillé de mars 1974 à mai 2013 à la «Tribune de Genève», en commençant par parler de cinéma. Sont ensuite venus les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le voir, rien à signaler.Plus d’infos
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