«Le cumul des ventes de livres de Jordan Bardella, Nicolas Sarkozy, Philippe de Villiers et Xenia Federova, chez Fayard, est équivalent à la vente d’un seul livre de Guillaume Musso [publié par Calmann-Lévy, ndlr].» Ce rappel acidulé est adressé à Arnaud Lagardère, PDG de Lagardère et d’Hachette Livre, dans les pages du Monde. Eliane Calmann-Lévy, l’héritière de la maison d’édition qui porte son nom, y attaque la ligne éditoriale des médias de l’empire du milliardaire Vincent Bolloré, qui selon elle déteint sur l’ensemble du groupe, et donc, sur sa propre boutique.
«La désormais coloration de droite nationaliste et le tropisme prorusse, avec notamment la présence au Journal du dimanche [JDD], de Xenia Fedorova [ex-dirigeante de la chaîne de télévision RT France, et autrice chez Fayard, filiale d’Hachette, ndlr], propagandiste de Poutine, mettent très mal à l’aise la majorité des 66 000 collaborateurs de Vivendi-Lagardère et de Louis Hachette Group, de nombreux auteurs, sans compter des partenaires commerciaux et des actionnaires», fait-elle ainsi savoir par l’intermédiaire du quotidien du soir.
Eliane Calmann-Lévy suggère ensuite, en des termes choisis, que pour «apaiser une situation crispante et improductive, tout en permettant la libre expression, la meilleure solution serait de revendre Fayard, le JDD et Europe 1 au groupe Bolloré, et de permettre ainsi à Louis Hachette Group de renouer avec une réelle neutralité politique bienvenue et attendue». Une prise de parole qui intervient opportunément après une décision de la commission européenne le 18 juillet, selon laquelle Vivendi est accusé d’avoir anticipé sa prise de contrôle de Lagardère. Si les poursuites étaient confirmées, le groupe encourt une amende de 10 % de son chiffre d’affaires.
La requête de l’actionnaire de Calmann-Lévy a toutefois été balayée par Arnaud Lagardère, toujours dans le Monde, qui réaffirme que «Fayard, Europe 1 et le JDD sont partie intégrante du groupe Lagardère, ils doivent y rester : leur succès d’audience montre d’ailleurs bien qu’ils ont un rôle à jouer dans la société française». L’offensive de l’héritière fait suite à une campagne menée par des éditeurs indépendants au printemps contre le milliardaire catholique conservateur, avec la parution d’un ouvrage début juin intitulé «Déborder Bolloré». Plusieurs contributions y décryptent justement ses méthodes de prédation économiques, afin de prendre le contrôle de pans entiers de l’industrie culturelle.