China Moses a l’habitude d’être au four et au moulin, de jongler entre les différentes casquettes. Chanteuse avant tout, autrice et compositrice, elle est aussi animatrice (de l’émission Made In China sur la radio TSF Jazz, après plusieurs expériences en télé, chez MTV France ou Canal +) et patronne de son propre label.

Au Nice Jazz Fest, ce sera un peu la même limonade pour l’Américaine, dont l’énergie et le sourire seront forcément communicatifs. Parce que mine de rien, la quadra a un côté Wonder Woman. Elle, pour sa part, se voit comme « laborieusement normale, comme tout le monde ». Au téléphone, elle complète tout de même son propos. « Les étoiles se sont alignées pour moi, j’ai la chance, le privilège de monter sur scène et de parler. Quand j’ouvre ma gueule dans une micro, c’est une responsabilité pour moi, et j’utilise ce pouvoir. »

Deux concerts, de l’animation et des jams pour finir?

Durant l’édition 2025 du Nice Jazz Fest, China Moses aura plusieurs occasions de montrer de quel bois elle se chauffe.

« L’année dernière, j’étais un peu la mascotte, j’avais le rôle d’ambianceuse sur la Scène Masséna. Cette fois, on m’offre la possibilité de jouer avec mon groupe au Théâtre de Verdure lors de la soirée d’ouverture, le 24 juillet. Je présenterai mon nouvel album, It’s Complicated (sortie le 3 octobre). Le dernier soir, le 27 juillet, je jouerai aussi avec Hugh Coltman, Robin McKelle, Jowee Omicil et des membres de The Amazing Keystone Big Band pour Jazz Celebration, un spectacle avec des reprises de standards qu’on avait monté pour les 25 ans de TSF Jazz, durant l’automne dernier. »

En plus de tout cela, il y a fort à parier que l’on retrouvera à nouveau China Moses dans le costume de MC, ou en train de participer aux jam sessions à une heure avancée de la nuit.

« La programmation est folle »

« C’est bien possible, parce que j’adore l’équipe du Nice Jazz Fest », nous glisse-t-elle.

La fille de la chanteuse Dee Dee Bridgewater et du réalisateur Gilbert Moses apprécie particulièrement la direction prise par l’événement depuis deux ans.

« Inviter une artiste comme Raye, multi-instrumentiste, incroyable en impro, avec une imagerie un peu rétro, c’est incroyable. Moi, le premier soir, je joue avant John Scofield, tu te rends compte? Vraiment, la programmation est folle. Nubya Garcia, Daoud, c’est très fort. Et Sullivan Fortner (à retrouver avec son trio le 24 et avec John Clayton et Jeff Hamilton le 25, pour un hommage à Oscar Peterson), dans notre milieu, c’est déjà une légende. »

« Le jazz est une musique vivante »

Juste avant qu’on l’appelle, China Moses est tombée sur un billet paru dans le journal Libération, qui se demandait pourquoi il n’y avait plus de jazz dans les festivals de jazz, ainsi que sur un article du Figaro se demandait pour sa part s’il y avait encore du jazz dans les festivals qui lui sont a priori dédiés.

De quoi mettre la rogne pour de bon. « On vous aime les gars, mais le jazz, ce ne sont pas que des standards des années 1940. Nice, cet héritage sera visible de plusieurs manières. Mais c’est une musique vivante, qui évolue avec son temps. C’est drôle, ces gens qui veulent garder le monde figé, ça les rassure certainement. En tant que noire américaine, je commence à le prendre comme une offense. Parce qu’en laissant le jazz dans une définition aussi étriquée, on nie beaucoup de choses, comme l’album d’Aretha Franklin en hommage à Dinah Washington, qui était plutôt blues-soul. Et Dinah, c’était aussi quelqu’un qui faisait de la pop. »

It’s Complicated, nouveauté bien rodée

Le 3 octobre prochain, It’s Complicated, le nouvel album de China Moses, arrivera dans les bacs. Ceux qui suivent le parcours de la chanteuse reconnaîtront illico certains morceaux, puisqu’elle les interprète en concert depuis… 2019.

« Je suis avant tout une artiste de live. Et en tant qu’indépendante, je me rends compte à quel point tout peut prendre du temps quand tu dois tout gérer. Les morceaux auront une dimension différente sur l’album. D’autant plus que je n’aurais sans doute jamais l’occasion de tourner avec les musiciens qui ont enregistré avec moi, et qui ont leurs propres carrières. On parle quand même de Lakecia Benjamin au saxophone, Theo Croker à la trompette ou Daru Jones à la batterie. On a réussi à tous se retrouver à New York, avec le producteur Troy Miller, et on a tout terminé en trois jours. En fait, je considère ce disque comme mon premier. On arrive vraiment au son dont j’ai toujours rêvé. C’est un peu comme si je présentais ma thèse, après avoir connu beaucoup d’expériences. »