Il est aussi discret qu’omniprésent. Aussi bavard qu’efficace. Pendant cinq ans et encore aujourd’hui, Salvador Nunez a dirigé, plutôt de près que de loin, le gigantesque chantier de l’A57, qui visait à désengorger Toulon et à faire oublier, autant que possible, ses légendaires bouchons.
« Un chantier particulier, car réalisé en milieu urbain « , soulignait hier la maire de Toulon Josée Massi, au moment de rendre un hommage appuyé à cet ingénieur en travaux public « issu d’une famille 100% andalouse « , comme il le répète à loisir, fier de ses origines. « Mais j’aime quand c’est compliqué, témoigne-t-il. Depuis tout petit, j’ai grandi dans la difficulté. Quand la difficulté manque, je me sens un peu seul. «
Passionné par la construction de ponts
Né à Casablanca, au Maroc, où il effectue toute sa scolarité à l’école française, notamment au lycée Lyautey, le jeune Salvador rejoint l’Hexagone et intègre alors l’école nationale des travaux publics, avant de valider une spécialisation en génie civil au très réputé centre des hautes études de la construction. « J’avais fait exactement les études dont je rêvais « , pose celui qui a toujours été passionné par la construction de ponts. « C’est vrai, et je n’ai aucune idée d’où ça me vient. » Il a 25 ans et se lance dans le monde du travail. Où il passe « une bonne dizaine d’années » à construire des ponts, pardi. « Des petits, des moyens, des grands… »
Il bascule ensuite dans la maîtrise d’œuvre, et participe déjà à de gros chantiers, comme celui d’un tunnel dans les Alpes. Puis, toujours désireux « d’apprendre, de me remettre en cause et de ne pas me reposer sur mes acquis « , Salvador Nunez se consacre à la maîtrise d’ouvrage. Et donc, désormais, aux chantiers d’autoroute.
« Attachiant » et « à l’écoute »
C’est ainsi qu’il se retrouve, il y a près de dix ans, face à l’épineux dossier de l’A57. « On m’a dit: ‘’A Toulon, c’est quasiment infaisable.’’ » Il n’en faut pas plus pour le convaincre de se lancer dans l’aventure. Exigeant, mais à l’écoute, selon les témoignages de ceux qui le côtoient. « Je dirai que ‘‘le chef’’ est quelqu’un d’attachiant, s’amuse Sophie Lethuin, en charge du volet communication. Il est entier, très engagé, et tire toujours ses équipes vers le haut, tout en restant très proches d’elles. Ce qu’il nous a le plus demandé, c’est de rester à l’écoute des gens, de ne prendre personne de haut. «
Face au port baigné de soleil, dans le petit salon de la mairie d’honneur, de nombreuses personnalités viennent le saluer. Lui serrer affectueusement les mains et lui dire tout le bien qu’ils pensent de lui. Plus tôt, Josée Massi, après avoir évoqué avec humour « ses tenues camarguaises et ses chemises à fleurs devenues légendaires « , n’avait pas manqué de parler de « l’humanité » du bonhomme, « dans le dialogue permanent, et d’une grande souplesse d’esprit, vous qui avez par exemple toujours pris en compte le calendrier des matches du RCT pour les fermetures d’autoroutes « .
« Toulon aura toujours une place à part dans mon cœur »
L’homme est pudique, presque gêné de tous ces compliments. « Je suis un peu émotionné, comme on dit chez nous « , lâche-t-il les yeux humides, qu’il tente de dissimuler derrière les verres teintés de ses lunettes de soleil.
Avant de poursuivre: « En fait, ce qui me touche énormément, c’est que c’est la preuve qu’on a réussi à tisser des vraies relations. On n’est pas là que pour faire des travaux. On est aussi sur un territoire. On vit avec des gens. Ce n’était pas simple au départ, et finalement c’est une belle surprise. Quand je partirai définitivement, je ne pourrai jamais oublier Toulon. L’investissement a été tel, que cette ville aura toujours une place à part dans mon cœur. «
Cinq enfants, six chats et de l’huile d’olive
Grand fan du Real Madrid, Salvador Nunez va devoir patienter encore un peu avant de retourner à Bernabéu, lui qui a encore « des petits détails » et de l’administratif à régler pour boucler la boucle. Alors, il pourra retourner à ses affaires à Montpellier, pour une « nouvelle aventure, dans un contexte très différent « . Papa de deux grands enfants de 31 et 34 ans issus d’un premier mariage, et de « trois autres enfants que j’ai élevés et que je considère comme mes enfants « , l’homme pourra compter sur sa tribu pour le soutenir. Sur ses tortues, ses trois chiens, et aussi, surtout, ses six chats. « Souvent, quand on me cherche, je suis avec eux. Ils m’apaisent, et m’apportent beaucoup de quiétude. «
« Allez à la feria, écoutez du flamenco, mangez du thon, de l’huile d’olive et des tapas, et soyez heureux en Occitanie, ponctue joyeusement Josée Massi. Mais n’oubliez pas que vous êtes un homme bien, et qu’ici, vous serez toujours le bienvenu. » S’il fallait encore des raisons d’être émotionné…