Elles circulent vite au milieu des piétons. Qu’importent le jour et l’heure, les voiturettes électriques de l’hôtel du Couvent empruntent le même itinéraire pour transporter les clients: elles entrent dans le Vieux-Nice par la rue Centrale, traversent la rue de la Loge et la rue Saint-Joseph avant de remonter la rue Rossetti jusqu’à l’hôtel. Et ce balai incessant agace. Ajouté à cela la circulation et le stationnement des voitures des clients et le constat est le même pour de nombreux habitants: « On a l’impression qu’ils veulent mettre les Niçois dehors ».

Le stationnement compliqué

L’appartement de Jean-Pierre donne sur la rue Rossetti. Depuis sa fenêtre, il observe les allées et venues des véhicules et déplore les rangées de voitures noires garées sur le haut de la rue, près de l’ancien Couvent. « Regardez, il n’y a aucune immatriculation 06. À l’époque, il y avait 50 places et seuls les gens du quartier se garaient », raconte ce Niçois. Désormais, il est obligé de louer un emplacement de parking pour garer sa voiture. Sous la chaleur plombante, Martine, la soixantaine bien tassée, remonte la rue Saint-Joseph avec son chariot de courses. Elle rentre de commissions pour sa mère âgée. « Je n’ai plus de place pour me garer ici. Alors je fais des allers-retours entre le parking à Jean-Bouin et chez elle. Ça n’est pas facile, surtout avec cette chaleur », confie-t-elle, en nage. Les riverains peuvent pourtant se garer à Rossetti, s’ils en ont l’autorisation. Mais, les places sont rares.

Un véhicule par minute

L’augmentation des véhicules génère aussi beaucoup de va-et-vient. Marie (1) habite près de l’école du Château. Elle voit régulièrement des enfants courir dans tous les sens aux entrées et sorties d’école. Et cela ne fait pas bon ménage avec la circulation des voitures. « Elles roulent vite et c’est dangereux », alerte-t-elle. Surtout, ces rues qui fourmillent de passants n’ont pas été conçues pour un flux important de véhicules. Comme de nombreux axes du Vieux-Nice, la rue de la Loge ne possède pas de trottoir. Les voitures doivent donc cohabiter avec les piétons. Possible quand les rares véhicules qui passent sont ceux des habitants du quartier. Problématique quand les clients de l’hôtel font des allées et venues, augmentant la fréquence de passage à un véhicule par minute en moyenne. « Quand on remonte à pied, les chauffeurs râlent parce qu’on les bloque. Les personnes âgées qui arpentent la rue avec leurs courses se font raser », témoigne Marie. L’hôtel n’est pas le seul responsable de cette augmentation: les rues sont aussi empruntées par les locataires des nombreux AirBnb du quartier.

Des voiturettes pour réduire les voitures


Dans le Vieux-Nice, aux abords de l’hôtel du Couvent, une ribambelle de voitures garées. Photo Justine Meddah.

Pour limiter tout de même l’impact de leurs véhicules, l’hôtel du Couvent a embauché 15 voituriers et investi dans quatre voiturettes électriques à six places pour acheminer vers l’hôtel les clients arrivant en taxi ou en VTC depuis le boulevard Jean-Jaurès. Mais parfois, les plus exigeants souhaitent être déposés sans avoir à changer de moyen de transport. D’autres souhaitent venir en voiture et parviennent à (se) faire ouvrir les bornes pour circuler et stationner dans le Vieux-Nice. « La plupart du temps, un voiturier prend en charge leur voiture et l’emmène au parking Saleya, où l’hôtel dispose de plus d’une vingtaine de places », assure Myriam Kournaf-Lambert, sa directrice. Mais certains privilégiés souhaitent conserver la vue sur leurs luxueuses voitures, qui sont donc garées principalement à côté de l’hôtel, rue Honoré Ugo. Ce n’est pourtant pas permis par la Ville, d’après l’adjoint au maire délégué à la Circulation et au stationnement. « La voiture d’un client de l’hôtel n’a pas le droit de circuler dans le Vieux-Nice. Seuls les taxis, les livraisons, et les véhicules des résidents sont autorisés », affirme Gaël Nofri.

Mais généralement, sur le haut de la rue, les places sont encombrées de véhicules en transit. « La plupart du temps, les chauffeurs se stationnent sur le haut des marches de Rossetti, attendent leur client 15 minutes puis s’en vont », précise Myriam Kournaf-Lambert. Au maximum, l’hôtel tente de faire des compromis entre les demandes des clients et le respect de la tranquillité. « Dans un hôtel de ce standing, certains ont une exigence. On leur explique qu’il faut parfois faire des concessions », assure Myriam Kournaf-Lambert, tout en précisant que les voituriers ont pour consigne de libérer les places au maximum lorsqu’elles sont requises par les habitants.

« Nous allons sévir »

« Il y a un sujet de circulation et de stationnement qui n’est pas convenable », a reconnu Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice, lors d’une réunion de quartier le 1er juillet. Comme il le fait régulièrement, il a rencontré la gérante de l’hôtel le 18 juillet au sujet de cette « nuée de véhicules qui prive l’accès au Vieux Nice. Nous allons sévir et ne pas laisser faire. Nous irons au rapport de force s’il le faut », a-t-il prévenu. Son collègue, Gaël Nofri, précise que lors de l’installation de l’hôtel, des conditions ont été posées. « Notamment l’obligation pour l’hôtel de stationner l’ensemble de ses véhicules au parking Saleya et de mettre en place des navettes », détaille l’élu.

La municipalité a donc rappelé la direction de l’hôtel à l’ordre et réfléchit à des aménagements « à la marge » pour améliorer les conditions de vie des résidents. « On va laisser terminer la saison et faire un bilan ensuite. Mais le but, ce n’est pas de créer de la circulation dans des rues qui ne sont pas prévues pour ça », conclut Gaël Nofri.

De son côté, l’hôtel du Couvent précise que les flux de circulation sont tels qu’ils ont été prévus lors de l’accord du permis de construire. « Ces nuisances sont aussi le gagne-pain de Nice. Mais nous savons qu’elles sont importantes. On est encore dans une phase où on essaye de trouver des solutions pour contenter tout le monde », concède la directrice de l’hôtel.

Encore une histoire de cohabitation délicate dans laquelle chacun devra faire des concessions…

1. Le prénom a été changé.