Un mort, un manoir et un magot : qu’est-ce qu’une affaire d’héritage à gros sous, si ce n’est un Cluedo géant ? Ici, le célèbre macchabée est Prince, génie transformiste d’un funk futuriste et transgressif, exhibitionniste de façade aux mœurs secrètes. Le plateau de jeu est Paisley Park, studio forteresse du polymathe froufrouteux, son Graceland pourpre au milieu des champs de blé à l’orée de son Minneapolis natal. Le magot est une montagne d’enregistrements inédits, stockés sur toutes sortes de supports (cassettes, bandes, VHS, etc.) dans une pièce fantasmée depuis des décennies par les prinçologues sous le nom de «The Vault», qu’on pourrait traduire par «crypte» autant que «salle des coffres». Les joueurs ? Une palanquée d’obscurs demi-frères et sœurs, un avocat aux dents longues et un réalisateur oscarisé.

Presque une décennie après la disparition de l’icône, la partie a fait cet hiver une seconde victime. Symbolique celle-là : le documentaire événement qui devait raviver sa mémoire auprès du grand public a été purement et simplement «killed», comme on dit dans l’industrie hollywoodienne. L’épilogue d’une longue bataille, tant juridique qu’artistique, miroir de la vie de Prince, perpétuellement en guerre avec sa maison de disques de son vivant, control freak par-delà la tombe.