La bédéiste bruxelloise Aurélie Wilmet publie « Diane Arbus. Photographier les invisibles », un roman graphique qui plonge dans l’univers de l’artiste américaine célèbre pour ses portraits de personnages en marge. Inspirée par l’œuvre et la vie de Diane Arbus, Aurélie Wilmet livre un récit intime et visuel.
Dans son dernier roman graphique, Aurélie Wilmet explore l’univers tourmenté de Diane Arbus, photographe américaine emblématique des marges. Marquée par la découverte de son œuvre durant ses études en histoire de la photographie, la bédéiste bruxelloise lui consacre un hommage aussi intime que poignant.
À travers cette biographie dessinée, Aurélie Wilmet retrace non seulement le parcours professionnel de Diane Arbus, mais aussi sa vie personnelle et amoureuse, jusqu’à sa fin tragique en 1971, marquée par son suicide.
Un hommage graphique à une photographe des marges Couverture du roman graphique « Diane Arbus. Photographier les invisibles » d’Aurélie Wilmet [Ed. Casterman]
Connue pour ses portraits de travestis, de personnes handicapées ou de patients psychiatriques, Diane Arbus a toujours cherché à révéler l’humanité cachée derrière les apparences. « Que ce soit ses photos sur les freaks ou simplement des personnes qu’elle prenait dans la rue, il y avait toujours ce côté étrange », analyse Aurélie Wilmet dans Vertigo du 22 juillet. « Elle voulait des photos vraies, dans lesquelles on ressentait directement la personnalité des gens qu’elle photographiait ».
L’album s’ouvre sur le rapport à la mort de Diane Arbus, une entame qui annonce la fin tragique de la photographe qui se suicide en 1971. Ce choix narratif fort permet à Aurélie Wilmet d’explorer la psyché de l’artiste à travers un dialogue intérieur, nourri de flashbacks. On y croise Eddie Carmel, alias le « géant juif », des femmes âgées, des sans-abri, autant de figures qui peuplent l’univers visuel de Diane Arbus.
Mais au-delà des sujets photographiés, c’est le regard de l’artiste que la bédéiste belge interroge, celui d’une femme issue de la bourgeoisie new-yorkaise, en quête d’émancipation et de vérité .
Diane Arbus, révélatrice d’humanité
Le film « Freaks » de Tod Browning, sorti en 1932 et qui met en scène des « monstres » de cirque, a profondément influencé Diane Arbus. Il l’a poussée à photographier ceux et celles que la société préfère ignorer. Son travail, souvent choquant à son époque, visait à capturer l’étrangeté et la vérité des personnes qu’elle rencontrait.
Dans « Diane Arbus. Photographier les invisibles », Aurélie Wilmet restitue cette fascination avec une bichromie en bleu et mauve qui rappelle les photos en noir et blanc de la photographe américaine. Le bleu rappelle les clichés noir et blanc de l’artiste et dépeint sa vie. Le mauve, plus mélancolique, permet à Aurélie Wilmet de retranscrire les émotions intérieures de Diane Arbus. Ce parti pris graphique renforce l’émotion et la profondeur du récit.
Un portrait sensible et engagé
Diane Arbus a longtemps peiné à faire publier ses photos. Ce n’est qu’après sa mort qu’elle est devenue une figure majeure de la photographie contemporaine, bien que son exposition au MoMA en 1967 ait déjà marqué une étape importante de sa reconnaissance.
Avec sensibilité et justesse, Aurélie Wilmet offre un portrait nuancé d’une artiste qui a su capter l’invisible et révéler l’universel dans les visages oubliés. Un roman graphique qui interroge autant qu’il émeut.
Sujet radio: Anne Laure Gannac
Adaptation web: Sébastien Foggiato
Aurélie Wilmet, « Diane Arbus, photographier les invisibles », éditions Casterman, mai 2025.