- La relation entre Paris et Alger connaît un nouveau regain de tensions ces dernières heures.
- En cause, une décision de Bruno Retailleau de restreindre les conditions de déplacement en France de dignitaires algériens.
- L’Algérie estime que cela viole la Convention de Vienne, signée en 1961.
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Après un réchauffement, le ton remonte d’un cran entre Paris et Alger
Les tensions durent depuis des mois et elles sont encore loin de s’apaiser. La porte-parole du gouvernement Sophie Primas a indiqué mercredi 23 juillet que le ministre de l’Intérieur était « en train » de restreindre les conditions de déplacement en France d’un « certain nombre de dignitaires algériens ». Une décision prise par Bruno Retailleau après le refus d’Alger de reprendre 120 ressortissants sous obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Vingt-quatre heures plus tard, le ministère algérien des Affaires étrangères a réagi jeudi 24 juillet, via un communiqué publié sur X. Il dit « avoir pris connaissance, avec étonnement, de la mesure prise pour entraver l’accès des agents accrédités de l’Ambassade d’Algérie en France aux zones réservées des aéroports parisiens aux fins de prise en charge des valises diplomatiques ».
Immunité diplomatique, protection des communications…
Les autorités ajoutent : « Cette mesure constitue (…) une violation manifeste des dispositions de la Convention de Vienne (nouvelle fenêtre). » Ce traité international organise les relations diplomatiques entre États, limite le risque d’ingérence et encadre notamment la gestion du personnel diplomatique. Adopté en 1961 en Autriche, d’où son nom, il est ratifié par l’Algérie le 14 avril 1964 et par la France le 31 décembre 1970, selon la liste des pays signataires établie par l’ONU (nouvelle fenêtre).
Plusieurs principes fondamentaux du droit international sont régis par cette convention. Elle permet par exemple aux États de renvoyer le personnel d’une ambassade (nouvelle fenêtre) et de le déclarer persona non grata sur son territoire national. L’article 22 indique de son côté que les ambassades sont des lieux « inviolables » et l’article 29 organise l’immunité diplomatique, principe selon lequel les membres du corps diplomatique ne peuvent généralement être ni arrêtés ni détenus dans le pays où il travaille.
L’Algérie accuse aujourd’hui la France d’avoir plus particulièrement porté atteinte à « l’article 27 » de la Convention de Vienne. Ce dernier protège les communications entre les diplomates et leur pays d’origine. Par exemple, les courriers ne peuvent pas être lus. L’alinéa 7 précise même que « la valise diplomatique peut être confiée au commandant d’un aéronef commercial qui doit atterrir à un point d’entrée autorisé ». C’est justement ce point concernant les déplacements en avion qui semble concentrer la colère des responsables algériens.
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Devant ce qu’elle considère comme une « atteinte grave au bon fonctionnement de la mission diplomatique algérienne en France », l’Algérie a annoncé sa riposte en appliquant « avec rigueur et sans délai le principe de la réciprocité ». Le régime d’Abdelmadjid Tebboune n’exclut pas de recourir « y compris à la saisine des Nations unies ». Un acte qui serait inédit et qui marquerait une nouvelle escalade dans la crise diplomatique aiguë entre la France et l’Algérie.
Les deux pays ont vu leurs relations se détériorer depuis le soutien appuyé de la France au plan d’autonomie du Sahara occidental « sous souveraineté marocaine » proposé par Rabat. L’arrestation mi-novembre de l’écrivain Boualem Sansal et la détention du journaliste Christophe Gleizes n’ont depuis fait qu’accentuer les tensions.
Zoé SAMIN