Un crâne minuscule, vieux de 247 millions d’années, vient bouleverser notre compréhension de l’évolution. Et c’est à Grenoble, au Synchrotron européen (ESRF) , que les chercheurs ont levé le voile sur ce fossile étonnant : Mirasaura grauvogeli ou « étonnant reptile de Grauvogel », en hommage au collectionneur alsacien qui l’a déniché dans les années 1930.
Le fossile dormait depuis au Musée d’histoire naturelle de Stuttgart, avant d’être scanné au rayon X sur la ligne BM18 de l’ESRF. Résultat : une crête dorsale unique, dont la structure rappelle celle des plumes, mais dont l’origine évolutive est tout autre.
« Quelque chose d’exceptionnel »
« Au début, la crête a laissé les scientifiques perplexes », raconte Stephan Spiekman, paléontologue au musée de Stuttgart et premier auteur de l’étude parue dans Nature. Le scan 3D du crâne a révélé une morphologie singulière : museau effilé, grandes orbites orientées vers l’avant, dents sur le palais et un crâne bombé, typique d’un très jeune individu. Des caractéristiques communes aux animaux arboricoles.
Mais c’est cette fameuse crête, composée d’appendices denses et complexes, qui intrigue. Ni poils, ni véritables plumes, ces excroissances pourraient avoir servi à la communication entre individus. Une alternative évolutive aux plumes, développée bien avant les dinosaures à plumes connus depuis les années 1990. « Mirasaura fournit la première preuve directe que de telles structures ont émergé très tôt dans l’histoire évolutive des reptiles », s’émerveille Stephan Spiekman.
Une découverte rendue possible par l ’extrême finesse des faisceaux de lumière synchrotron , capables de dévoiler la structure interne d’un fossile de moins de 0,5 mm de large. « Sans l’ESRF, il aurait été impossible de réaliser la reconstruction du crâne », explique le chercheur. Kathleen Dollman, scientifique à l’ESRF et coautrice de l’étude, ajoute : « Dès les premières images, on a compris qu’on tenait quelque chose d’exceptionnel. »