Par
Antoine Blanchet
Publié le
25 juil. 2025 à 19h06
Les décennies passent, mais les souvenirs restent. Il y a 30 ans, le 25 juillet 1995, une bombe explosait dans une rame du RER B sur le quai de la station Saint-Michel à Paris. Dans cet attentat réalisé par le Groupe islamique armé (GIA), huit personnes trouvaient la mort et 117 blessés. Le docteur Jacques Hascoët, médecin urgentiste à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) de 1975 à 2011, est l’un des premiers à être intervenus sur les lieux de l’attentat. Pour actu Paris, il nous livre son témoignage.
Appelés pour un feu de métro
Pour le médecin urgentiste, tout commence par une sonnerie au milieu d’une tranquille journée estivale : « J’étais de garde à la caserne Masséna. Il faisait beau. Vers 17 heures, la sonnerie retentit et plusieurs engins partent. On nous indique que l’on va sur un feu de métro à Saint-Michel ». À ce moment, le plan INTERFER est déclenché. « Il s’agit d’un dispositif mis en place lorsqu’il y a des accidents sous terre. Les gens ont tendance à s’enfuir dans les tunnels, donc on envoie des pompiers à contresens pour pouvoir les intercepter », détaille Jacques Hascoët.
Arrivé place Saint-Michel, le médecin urgentiste se dirige vers l’entrée de la station sur les quais : « J’aperçois 7,8 personnes noircies de fumées. Elles sont aussi polycriblées (blessées par des objets de petite taille, ndlr) ce qui m’interpelle. Je demande à un infirmier de s’occuper d’eux ». Il descend dans la station et tombe sur une première scène surréaliste : « Il y avait un défilé processionnaire. Vous avez des gens sonnés qui marchent à la file indienne, comme des fourmis. Certains sont blessés. D’autres non. Une policière était présente. Je lui ai demandé de les faire remonter pour qu’on les prenne en charge ».
« Une zone de guerre »
La descente vers le quai du RER est une entrée dans l’horreur. « Il y a un grand escalier mécanique qui descend profond. Je descends les sept premières marches et je m’arrête. Il y a un silence de mort. J’aperçois une quinzaine de personnes. Je vois des jambes arrachées et des bras. C’est une boucherie. Une zone de guerre ».
Devant ce spectacle effroyable, le médecin urgentiste ne peut que constater l’évidence : ce n’est pas un incendie. « Au début, je suis encore sur mon feu et je me dis » comment ils ont fait pour se retrouver dans cet état «. Puis je vois le wagon du RER complètement éventré. Je comprends alors que c’est une bombe. J’appelle le colonel de garde et je lui dis de déclencher le plan rouge ». Ce dispositif consiste à mettre en place des espaces préhospitaliers lors de drames ayant causé un grand nombre de victimes.
Premier médecin arrivé sur le lieu de l’explosion, Jacques Hascoët doit prendre en charge les blessés graves : « Je me retrouve tout seul, sans matériel, avec ces victimes qui ne gémissaient pas. C’était impressionnant ce silence. J’ai fait un triage pour voir qui on prenait en charge par ordre de gravité ».
Une gestion maîtrisée des hospitalisations
Très vite, les secours s’organisent. Un premier poste médical avancé est installé au café Le Départ sur la place Saint-Michel. « On a rapatrié tous les blessés là-bas. Mais ce qui est extraordinaire, c’est qu’il y a des tonnes d’autres blessés qui avaient pris la fuite et qui reviennent. Pour la première fois dans un plan rouge, un deuxième poste médical est créé ».
Le but de ces lieux : une prise en charge médicale, mais aussi un moyen de gérer les évacuations vers les hôpitaux. « Il faut un secrétariat d’entrée pour noter les identités et les blessures, puis un de sortie. On met une fiche autour du cou de la victime avec l’hôpital où il va », précise Jacques Hascoët. Cette gestion permet de varier les lieux d’hospitalisation pour éviter toute surcharge. « On ne va pas privilégier l’Hôtel Dieu qui est à côté, car de nombreux blessés risquent de s’y diriger par eux-mêmes », poursuit le médecin urgentiste.
Au sein des postes médicaux avancés, d’autres personnes commencent à affluer : les victimes psychologiques. « Dans ce genre de fait, elles vont tenter de venir au PMA, surtout s’il y avait des proches avec elles pendant l’accident. Comme ça peut gêner dans nos prises en charge, on les a regroupées sur la terrasse du café et on a demandé aux psychologues de les prendre en charge. Ça a été la première cellule d’urgence médicopsychologique », relate Jacques Hascoët.
Les auteurs de l’attentat condamnés
Au total, huit personnes sont décédées dans l’explosion de la bombe et 117 autres blessées. L’engin, une bombe de camping équipée d’un réveil et remplie de vis et de boulons, a été placé par des membres du GIA, faction islamiste radicale impliquée dans la guerre civile qui sévit alors en Algérie. Au bout de plusieurs semaines, les poseurs de la bombe sont identifiés. L’un d’eux, Khaled Kelkal, est abattu par les gendarmes à Lyon. Le second, Boualem Bensaïd, est interpellé ainsi que deux hommes ayant aidé au financement et à la logistique de l’attentat. Ils sont tous trois à avoir eté condamnés à la perpétuité lors du procès qui s’est tenu en 2002.
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