Les manifestations de partisans du régime syrien glorifiant les attaques meurtrières contre les Druzes en Syrie qui se sont tenues à Berlin et Düsseldorf le weed-end dernier ont relancé les discussions sur la radicalisation islamiste en Allemagne.
Environ 400 personnes ont pris part au rassemblement en Berlin, tandis que quelque 500 autres se sont réunis à celui organisé Düsseldorf. Ce dernier s’est achevé dans la violence, avec affrontements au cours desquels plusieurs policiers ont été blessés .
Si la classe politique a fermement condamné ces manifestations, celles-ci ont créé des remous au sein-même de la communauté musulmane allemande, suite aux déclarations tenues par l’imame germano-turque Seyran Ateş.
La responsable religieuse avait alors vivement condamné les rassemblements, mettant en garde contre l’expansion de courants islamistes radicaux en Europe : « Ils [les manifestants]ont été envoyés en Europe pour y semer le trouble, recruter des gens pour leur idéologie et travailler à la grande idée d’islamiser l’Europe ».
Samedi, une manifestation a eu lieu à Berlin, au cours de laquelle des slogans islamistes ont été scandés. – Verein Democ
Seyran Ateş avait également souligné le manque de soutien politique dont souffriraient, selon elle, les autorités de sécurité. « Face aux islamistes, on fait souvent preuve de plus de tolérance, de peur d’être accusé d’islamophobie », avait-t-elle ajouté.
Réactions critiques au sein de la communauté musulmane allemande
Benjamin Idriz, imam de la communauté islamique de Penzberg, en Bavière s’est fermement opposé à la vision Seyran Ateş, la jugeant excessive et et de nature à nourrir les peurs et les préjugés.
« Je conteste l’insinuation selon laquelle ‘l’islam’ ou ‘les musulmans’ veulent menacer l’Europe ». Celui qui utilise le terme d’islamisation « attise l’islamophobie », a t-il souligné.
L’imam Benjamin Idriz – ARD/BR
« Les déclarations de Madame Seyran Ateş, selon lesquelles de jeunes Syriens seraient « soi-disant » envoyés ici pour islamiser l’Europe me semblent dangereuses en généralisant et tout simplement irresponsables ».
Benjamin Idriz a admis que certains individus – qu’ils soient issus ou non de l’immigration – instrumentalisent des références religieuses pour inciter à la haine. Cependant, l’imam a mis en garde contre les amalgames :
« Identifier de telles personnes à une religion ou à une croyance dans son ensemble est aussi faux que dangereux », a-t-il souligné.
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L’imam berlinois Scharjil Khalid s’est également indigné des avertissements de Seyran Ateş. « La fonction de ces experts autoproclamés de l’islam semble surtout consister à émettre des jugements simplistes à l’emporte-pièce », a-t-il observé.
Le responsable religieux a dénoncé « l’utilisation décontextualisée du terme islamisation », un terme qui serait « de plus en plus utilisé de manière populiste ».
L’imam Sharjil Khalid – SK
Selon Scharjil Khalid, qui a dit condamné toute forme de violence, de nombreuses personnes recrutées par des groupes extrémistes auraient peu ou pas de connaissances religieuses et n’auraient donc pas de lien réel avec l’islam.
Un débat qui s’exporte en Autriche
Les déclarations de Seyran Ateş ont fait des vagues dans toute l’Europe, y compris en Autriche.
L’analyste politique Ercan Karaduman, d’origine turco-autrichienne, a critiqué l’idée que les islamistes seraient « envoyés » pour islamiser l’Europe. Selon lui, l’amalgame entre islam et terrorisme, alimenté par des références à Daech, Al-Qaida, le Hamas ou le Hezbollah, contribue à nourrir les stéréotypes envers des millions de musulmans vivant pacifiquement en Europe.
Ercan Karaduman – ServusTV/Talk im Hanger-7 2017
« Cela crée même des jugements globaux sur les musulmans qui, depuis des générations, vivent même plus allemands que les Allemands en Rhénanie-du-Nord-Westphalie ! », a-t-il ajouté.
Qui est l’imame Seyran Ateş ?
Imame et avocate féministe d’origine turcque, Seyran Ateş milite depuis des années pour une réforme de l’islam et a fondé la mosquée Ibn-Rushd-Goethe en 2017. Cette mosquée libérale – la seule à ce jour en Allemagne – accueille hommes et femmes sur un pied d’égalité, et les personnes de toutes orientations sexuelles.
Lässt sich nicht einschüchtern: Seyran Ates ist Gründerin der einzigen liberalen Moschee Deutschlands – Michael Sohn/Copyright 2017 The AP. All rights reserved.
Victime en 1984 d’un attentat perpétré par les « Loups gris » – des extrémistes de droite turcs – à Berlin, elle vit depuis près de 18 ans sous protection policière. Cela ne l’a pas empêchée de poursuivre son engagement pour les droits des femmes et des minorités. En 2024, sa mosquée a temporairement fermé ses portes en raison de menaces d’attentats islamistes.