Évidemment, on imagine mal une telle histoire se passer de la même manière aujourd’hui. Sauf à provoquer les protestations de militants animaliers, voire une enquête des autorités militaires et vétérinaires… Mais à l’été 1974, personne ne s’indigne de l’initiative prise un dimanche ensoleillé par Jean-Louis Venne, officier marinier à la base aéronavale (BAN) de Saint-Mandrier. « J’ai appris que des pêcheurs du port de Saint-Elme avaient capturé accidentellement dans leurs filets un petit cachalot », raconte aujourd’hui le Seynois de 82 ans. « Je me suis mis en tête de faire goûter cette nourriture pour le moins insolite aux volontaires pour le repas du midi. »

La bête est chargée dans un utilitaire de la Marine

Premier défi: comment ramener le cétacé de 5 mètres, pesant près d’une tonne, sur la base de la presqu’île? Avec un ami, Jean-Louis Venne emprunte un véhicule utilitaire – « un Citroën HY, surnommé affectueusement « Junker » dans la Marine » – et part pour les Sablettes.

Là-bas, avec l’aide des pêcheurs, d’un club d’anciens du port et d’un transpalette, le chargement s’effectue… tant bien que mal. « La bête était trop grande et les portes arrières ne pouvaient pas se fermer. L’idée de couper la tête de l’animal a émergé… ».

La carcasse découpée puis rejetée à la mer

Arrivés à la BAN, les deux hommes s’équipent de couteaux aux cuisines et se mettent à préparer le déjeuner pour quelques palais curieux. « Ce fut une révélation: la viande de cachalot, semblable à celle du cheval, était incroyablement tendre et savoureuse. Nous nous sommes régalés de cette expérience culinaire unique. »

Quant à la carcasse du cachalot, elle fut découpée en morceaux le lendemain et évacuée via un petit remorqueur, rapidement maculé de sang. « On a pris la mer pour se débarrasser des restes. Nous avons mis à l’eau les morceaux, laissant le courant les emporter vers le large ».

Un demi-siècle plus tard, Jean-Louis Venne n’a qu’un regret: « Je n’ai aucune photo de l’événement ». Et de conclure: « Les témoins de cette histoire s’effacent lentement et, avec eux, les souvenirs de ce cachalot du port de Saint-Elme. Si des personnes ayant vécu ce moment lisent ce témoignage et veulent me contacter, ce serait formidable. »*

*Écrire à cette adresse : mdalaine@nicematin.fr . La rédaction fera suivre.