Devant l’aggravation de la situation à Gaza, la paralysie des instances mondiales, les cris d’alarme des ONG et médias internationaux, et l’ampleur de l’émoi populaire, Emmanuel Macron a fini par comprendre qu’il y avait urgence. S’il y avait un mini-espoir d’enclencher une «dynamique collective» pour tenter de contrer les projets israéliens d’anéantissement de Gaza et d’annexion totale de la Cisjordanie, c’était maintenant, à la veille de la trêve estivale, qu’il devait réaffirmer sa volonté de reconnaître un Etat palestinien. Afin que l’idée infuse d’ici à l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre à New York.
Il était temps. Le chef de l’Etat avait prévu d’en faire l’annonce en juin mais ce projet avait été stoppé net par l’offensive d’Israël sur l’Iran. Et il est probable que les choses auraient continué à traîner si cette semaine n’avait marqué un tournant dans les conditions de vie déjà tragiques des Palestiniens de Gaza avec ces images insoutenables d’enfants et d’adultes mourant littéralement de faim dans l’enclave.
Soyons clairs : cette annonce ne va en rien alléger les souffrances des Gazaouis et des Palestiniens de Cisjordanie. Pour cela, il faut obtenir un cessez-le-feu, la libération des otages et le déblocage de l’aide alimentaire. Il est même possible qu’elle attise la colère des plus extrémistes des Israéliens, et notamment des colons. Benyamin Nétanyahou – qui s’est toujours battu contre la création d’un Etat palestinien – a estimé que Macron, ce faisant, «récompense la terreur». Accusations proférées aussi par les dirigeants américains et par… Marine Le Pen en France. Ce qui est une contrevérité totale. Le Hamas se nourrit de la haine et de la violence, le moindre espoir de paix impliquerait sa disparition. C’est précisément pour sortir les Palestiniens de l’étau dans lequel ils se trouvent, entre l’oppression israélienne et le jusqu’au-boutisme mortifère du Hamas, que la France tente cette opération. Sur le terrain, elle ne changera rien à court terme mais, politiquement, elle peut enclencher un cercle vertueux en ralliant à elle tous ces Etats qui se tâtent, paralysés par leurs liens avec les Etats-Unis, alliés d’Israël : la puissante Arabie Saoudite mais aussi le Royaume-Uni qui pourrait entraîner le Canada. Le rapport de force en serait changé car la reconnaissance en tant qu’Etat donne une légitimité et des droits dont les Palestiniens manquent cruellement. Certes, on ne voit pas sur quel territoire pourrait vivre cet Etat ni avec quel dirigeant alors que le président de l’Autorité palestinienne, décrédibilisé aux yeux de son peuple, s’accroche à son poste. Mais il faut bien un début. Mahmoud Abbas s’est engagé à organiser enfin des élections et à désarmer le Hamas. A voir. Le chemin est encore long et il reste de nombreux obstacles mais quelle est l’alternative ? Abandonner les Palestiniens à leur sort ? L’annonce de Macron, présentée dans son entourage comme un «devoir moral», vise à offrir un horizon à un peuple qui n’en a plus. Mais, derrière, il faudra assurer. Le pire serait de se contenter du coup politique.