Jamais deux sans trois. Finaliste de la saison 1 de « Drag Race France » en 2022, participante l’an passé de l’édition « Global All Stars » où elle a été sacrée « lipsync assassin », Soa de Muse était de retour cet été dans la franchise pour le « All Stars » français. Elle a quitté cette aventure à l’issue du troisième épisode, diffusé jeudi sur France 2, et elle a plutôt bien vécu son départ comme elle l’a confié à 20 Minutes ce vendredi.
« En vrai, je pense qu’il y a plein d’autres meufs qui ont plein de choses à dire, avance l’artiste de 36 ans. Et ce n’est pas parce que je ne suis plus dans l’émission que j’en ai fini avec vous. Vous continuerez de me voir, mais ailleurs. »
Vous sembliez vous être préparée mentalement à quitter l’émission à l’issue de cet épisode. C’est le cas ?
A partir du moment où j’ai su que j’étais dans le bottom [les deux dernières places du classement], j’ai compris que j’avais dit ce que j’avais à dire dans mon aventure avec la franchise « Drag Race ». J’étais dans une sorte de résilience : « C’est OK, la vie continue ». Beaucoup de choses se bousculaient dans ma tête. J’avais l’impression d’être un peu coincée, de ne pas arriver à m’amuser, parce que, comme je l’ai dit, ce qu’il se passe dehors [l’actualité], c’est chaud. Donc bien sûr, l’entertainment, c’est une chose mais, à ce moment-là, j’avais besoin de bosser avec mes proches, de faire d’autres choses.
Vous avez donné tout ce que vous aviez à donner dans le cadre de « Drag Race », du divertissement, codifié, avec des critères bien précis ?
Je ne sais pas s’il y a des critères bien précis. En tout cas, moi, en tant qu’individu, aujourd’hui, dans « Drag Race », j’ai dit ce que j’avais à dire. J’avais besoin de boucler la boucle aussi avec des messages davantage politisés. C’était ma boucle à moi.
Vous avez envie de vous exprimer davantage sur les causes qui vous tiennent à cœur ?
Les causes, ça me fait un peu sourire parce qu’on dit : « Les causes… Soa, elle est engagée… » Les causes, elles sont intersectionnelles. Il s’agit juste de voir qu’il y a un monde qui est en train de partir en vrille. Je suis originaire de Martinique, je ne vais pas vous faire un cours sur ce qui se passe là-bas actuellement, mais c’est une grosse blague. Donc, mes causes, ce sont des causes de la vie, c’est réagir pour que les petits qui arriveront après nous puissent se dire « il y a encore de l’espoir ». A mon avis, cela touche tout le monde.
Si vous aviez la possibilité de remonter le temps, que feriez-vous différemment dans cette aventure « Drag Race France All Stars » ?
Quand Daphné Bürki m’a demandé : « Qu’est-ce qui s’est passé dans ta vie en trois ans ? », j’aurais voulu lui répondre : « Qu’est-ce qui s’est passé dans la vie en trois ans ? »
Vous diriez donc que votre expression artistique est étroitement impactée par ce qui se passe dans le monde ?
J’étais déjà un peu politisée de base mais, en sortant de « Drag Race Global All Stars », j’ai récupéré mon téléphone que j’avais dû laisser le temps du tournage [qui a eu lieu en octobre et novembre 2023]. J’ai alors vu tout ce qu’il se passait et j’ai eu un choc : « On est où ? On va tous mourir ou quoi ? » Certains disent : « Non, mais ce n’est pas chez nous que ça a lieu, ça va ». Mais non, en vrai, c’est proche. Et puis, depuis le Covid, il y a quelque chose d’anxiogène. Même les politiques, comme un Trump… On dirait un épisode de Black Mirror.
A la rentrée, vous serez à l’affiche de la tournée « Drag Race », mais vous allez aussi reprendre votre rôle dans Woke, au Théâtre de Montreuil…
Oui, on reprend, pour quelques dates, ce spectacle mis en scène par Virginie Despentes et écrit par Paul B. Preciado, Anne Pauly et Julien Delmaire. En mars, je jouerai à Lyon dans Romancero Queer, écrite et mise en scène entièrement par Virginie Despentes. Et en février, mon spectacle Diaspora, sur l’afro-fabulation des personnes racisées, sera à l’affiche au carreau du Temple, à Paris, avec Mami Watta et Shei Tan.
Notre dossier sur Drag Race FrancePour revenir sur le terme « woke », vos derniers mots dans l’épisode ont été de souligner qu’il ne s’agissait pas d’une insulte, que c’est une bonne chose d’être « éveillé »…
Oui : gardez les yeux ouverts. Ne restez pas trop sur votre téléphone, regardez autour de vous. Parce que là, on ne peut pas dire qu’on ne sait pas ce qu’il se passe dans le monde. Je ne suis pas Gandhi, je ne suis pas une personne parfaite, mais j’essaie de transmettre un message qui donne de l’espoir. Donc si on peut utiliser cet intérêt public ou cette visibilité pour remotiver les troupes, c’est bien. Ne lâchez pas. Ne vous laissez pas avoir. Restez ensemble. Arrêtons de séparer tout le monde. L’union fait la force.