Danjel Zart tire nerveusement sur sa cigarette roulée. Le patron du café-restaurant « Das Hoven » se dit « sur ses gardes en essayant de ne pas devenir parano ». Avant de lister les attaques subies par son bar aux couleurs LGBTQI +, son personnel ou lui-même : « Un extincteur balancé dans les vitres, des coups données aux serveuses, des menaces de mort par e-mail, les pneus crevés de ma voiture… ».
Depuis janvier l’an dernier, il a déposé 45 plaintes au commissariat. « Au début, les policiers ne nous prenaient pas trop au sérieux. Maintenant, leurs voitures passent par ici lors de leurs rondes ». Faute de preuve ou de flagrance, la plupart des plaintes sont classées. Les suspects habituels, de l’extrême droite à la mouvance islamiste, sont à l’œuvre, selon les associations militantes, dans un retour de balancier de l’Histoire.
Un climat d’intimidations
« Les droits que nous avons durement acquis lors des dernières décennies sont en passe d’être détruits », alerte Alfonso Pantisano, chargé des questions queer à la mairie de Berlin. Ce fils d’immigrés italiens refuse de stigmatiser une communauté, préfère parler d’une lame de fond en marge de l’élection de Donald Trump, un climat d’intimidations, une stratégie commune aux extrémistes attaquant les fondements de la démocratie. « Le feu se répand dans la maison du vivre ensemble », dramatise le social-démocrate. « Quand les droits d’une minorité sont attaqués, par exemple de se balader main dans la main librement dans les rues ou d’être ce que nous sommes… L’Histoire a montré que le feu finit toujours par se propager et celle de l’Allemagne nous a appris que la démocratie ne s’effondre pas d’un coup, mais progressivement ».
Berlin est un symbole à ses yeux car « la capitale allemande est le berceau de l’histoire mondiale de l’émancipation queer. Dans les années 1920, avant l’arrivée des nazis, cette ville était l’épicentre d’une vie ouverte et libre. En 1929, il y avait ici près de 200 lieux de rencontre pour les homosexuels, les travestis, etc. ». La campagne allemande n’est pas épargnée par ce mouvement de recul dénoncé par les associations militantes. À la mi-juin, à Bad Freienwalde, dans l’arrière-pays berlinois, une « fête de la diversité » a été attaquée par un gang de 15 jeunes masqués et armés. L’enquête oriente les policiers vers des militants du groupe néo-nazi « Troisième Voie ».
Un samedi sous protection
Parfois organisées dans des villages reculés, des manifestations en faveur des droits des minorités sexuelles sont régulièrement prises pour cible. « Cinquante-cinq parades pour le Christopher Street Day ou CSD (NDLR : en mémoire du premier soulèvement à New York contre les agressions policières subies par les homosexuels en 1969) ont été attaquées, l’an dernier, dans toute l’Allemagne », recense Lorenz Blumenthaler, de la fondation Antonio-Amadeo qui lutte contre les discriminations. « Cela allait des crachats à la casserole d’eau bouillante jetée sur la manifestation ».
Le CSD organisée, samedi, dans le centre-ville de Berlin, sera sous haute surveillance. Un service d’ordre d’un millier de personnes, en plus du dispositif policier, va veiller sur la parade de plusieurs centaines de milliers de participants. Le mot d’ordre de cette 47e édition de cette Fête des fiertés, « plus politique que jamais », annonce l’organisateur Thomas Hoffmann, sera « Plus jamais silencieux ! ».