Après une première évocation en avril, Emmanuel Macron a annoncé ce jeudi soir que la France allait reconnaître officiellement l’Etat palestinien. Ce faisant, la France s’apprête finalement à rejoindre une position déjà adoptée par 143 pays, soit les trois quarts des Etats membres de l’ONU.

Mais à ce grand ensemble manque à l’appel les pays qui ont le plus de poids sur la scène internationale et notamment la totalité des pays du G7 (France, États-Unis, Canada, Japon, Royaume-Uni, Italie, Allemagne). Et en étant la première à franchir le pas, la France et « Macron espère entraîner d’autres pays du G7 », analyse pour 20 Minutes Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie et conseiller spéciale à l’institut Montaigne.

L’ex haut fonctionnaire juge raisonnable la possibilité que, « le Royaume-Uni, le Japon, le Canada » suivent la décision de la France, à l’inverse de l’Allemagne. « Et c’est pourquoi les Israéliens réagissent si fortement : ils veulent éviter l’effet d’entraînement », poursuit Michel Duclos qui prévoit pour la diplomatie française avec Israël « des moments de très fortes tensions ».

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a d’ailleurs immédiatement fustigé cette reconnaissance de l’Etat palestinien par la France, qui « récompense la terreur » a-t-il estimé. Ses alliés américains y sont également allés de leurs condamnations, d’une « décision imprudente », pour le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio à la décrédibilisation par l’ironie et le cynisme dans un tweet de l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Mike Huckabee, qui a écrit : « Je peux désormais révéler en exclusivité que la France offrira la Côte d’Azur [à l’Etat palestinien]. »

Plus à gagner qu’à perdre

« Mais Donald Trump ne s’est pas encore exprimé »*, relève Michel Duclos, considérant que pour l’heure, la réaction des Etats-Unis « n’est pour l’instant pas très clair », avant d’ajouter : « Il faut bien voir que, pour Trump, cette histoire [de reconnaissance] n’est pas capitale. Et même pour beaucoup de gens dans le monde : la question passionne les diplomates, mais ce n’est pas ça qui change le fond des choses ».

De même, la France a peu à perdre dans ses relations avec Israël, avec qui elle a finalement peu ou pas de relation : « Ils peuvent annexer la Cisjordanie, mais ce ne serait pas tant une réaction contre la France que peut-être la mise en œuvre d’une volonté profonde de leur part. »

En revanche, la France a beaucoup à gagner en termes « d’images et de relations avec le Sud global ». Notamment en espérant obtenir de l’influence sur « l’Arabie saoudite et des pays arabes », note l’ancien diplomate. « Et si la France ne l’avait pas fait, notre crédibilité en aurait pris un coup, surtout à partir du moment où nous avions annoncé que nous le ferions. »

Davantage de retombées positives ?

Ce qui s’est déjà traduit dans les déclarations de certains pays du monde arabe. Le Koweït a par exemple souligné « la nécessité pour tous les autres États de prendre des mesures similaires » et le Qatar, qui joue le rôle de médiateur entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, a salué un « développement positif […] qui contribuera à renforcer les chances d’une paix juste et globale dans la région ».

Sur l’échiquier diplomatique donc, la France peut, en un sens, s’attendre à davantage de retombées positives que de conséquences négatives avec une reconnaissance de l’Etat palestinien. « C’est le sens de ma pensée », conclut auprès de 20 Minutes Michel Duclos.

* Deux heures après cet entretien, Donald Trump déclarait que cette déclaration « n’était pas très importante ».