Par

Jessie Leclerc

Publié le

30 mars 2025 à 18h15

La journée mondiale des troubles bipolaires fête sa 11e édition ce 30 mars 2025. Depuis 2015, elle sensibilise sur ces pathologies invisibles, encore taboues dans la société. À cette occasion, la rédaction de 76actu est allée à la rencontre de Pascal, 62 ans. Lui qui vit à Saint-Étienne-du-Rouvray, près de Rouen (Seine-Maritime) a été diagnostiqué bipolaire de type 2 il y a sept ans. De son diagnostic tardif aux difficultés dans son quotidien, en passant par l’importance des traitements et du soutien familial, il raconte son expérience et sensibilise à cette cause.

Diagnostiqué bipolaire à 55 ans

Le trouble bipolaire reste encore mal compris et souvent mal décelé. Pascal n’a été diagnostiqué qu’en 2018 alors qu’il avait 55 ans. Pour lui, ce diagnostic tardif est aussi un soulagement tardif. « J’étais un peu énervé quand je l’ai su, un peu énervé de l’avoir appris si tard », confie-t-il. Mais, pour lui, « ça a été un peu libérateur. Quand mes psychiatres se sont mis d’accord pour dire que j’avais un trouble bipolaire, une hypomanie, ça m’a soulagé ».

Je n’aime pas le mot malade, je préfère dire patient.

Pascal Langlois
Hypomaniaque, bipolaire de type 2

Le sexagénaire a ressenti une nette évolution sur son humeur suite à ce diagnostic : « Ça a mis des mots sur ce que je ressens depuis des années. Le traitement m’a beaucoup soulagé. »

Entre dépression et euphorie

Pascal est victime d’une hypomanie, une forme légère de bipolarité. Mais elle n’en est pour autant pas moins difficile à vivre. Il a vécu des phases de dépression, parfois intenses, et des phases d’euphorie, dites de manie.

Après des moments difficiles dans ma vie, dont un très long moment dépressif sévère en 2007, je ne savais pas ce que j’avais. Depuis, j’ai aussi vécu des moments d’euphorie, des périodes d’exaltation et quelques autres moments dépressifs.

Pascal Langlois

Selon Pascal, « les premiers troubles peuvent apparaître à la fin de l’adolescence ». La phase dépressive est relativement facile à identifier. Elle se caractérise par une perte de motivation, l’isolement, une incapacité à travailler et un sentiment de vide profond. À l’inverse, la phase hypomaniaque est plus insidieuse. « Chez les bipolaires, la phase maniaque peut être tout aussi néfaste, tient-il à souligner. On se sent tout-puissant, capable de se projeter dans des projets différents et certain peuvent adopter des comportements à risque (alcool, dépenses excessives, sexualité débridée). » Cette alternance entre exaltation et abattement peut durer des semaines, voire des mois.

Lui n’a jamais été jusque-là, mais il a déjà ressenti des formes d’exaltation : « J’ai vécu ça surtout entre 2010 et 2015. Je me mettais à parler très vite et vraiment beaucoup. Par exemple, quand on parlait de rock, de cinéma ou de livres avec des amis et je me mettais à monopoliser la parole et à ressentir du plaisir à le faire. »

Il a aussi eu une soudaine envie de se lancer dans des projets : « J’étais militant politique, je faisais de l’associatif… Je passais mon temps à faire des réunions et à m’engager partout ».

« Démystifier » la maladie

Aujourd’hui encore, les troubles bipolaires sont encore mal perçus. Selon Pascal, « souvent quand on parle au grand public de pathologies psychologiques, c’est à l’occasion d’un drame. Par exemple, un schizophrène qui tue quelqu’un. Or, c’est extrêmement rare et c’est dommage que l’on en parle sous cet angle. »

Je suis content que l’on en parle autrement. Il faut démystifier la maladie, on n’est pas horrible.

Pascal Langlois

Heureusement, le tabou se lève un peu depuis quelques années et plusieurs figures influentes se mettent à parler de troubles de l’humeur. « On le voit avec Jérémy Ferrari qui parle de ses soucis psychiatriques et là, comme je l’ai vu dans le journal, avec Nicolas Demorand qui dévoile sa maladie », se réjouit-il.

Le 30 mars, une date qui n’est pas un hasard

La journée mondiale des troubles bipolaires a lieu, chaque année depuis 2015, le 30 mars. Cette date n’est pas anodine. Elle a été choisie en hommage au célèbre peintre Van Gogh, né le 30 mars 1853 et atteint de cette pathologie.
D’après la Fondation FondaMental, aujourd’hui, en France, entre 1% et 2,5% de la population serait concernée par un trouble bipolaire. Mais, « médecins et experts s’entendent pour considérer que cette estimation est très probablement sous-évaluée », déclare la fondation de coopération scientifique créée en juin 2007 par décret du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

L’importance du traitement

L’ancien CPE (Conseiller principal d’éducation) souligne l’importance du traitement. Selon lui, « le traitement le plus adapté repose sur un thymorégulateur, comme le lithium, qui permet de stabiliser l’humeur ». Mais trouver le bon dosage prend du temps et les effets secondaires peuvent être lourds.

Pendant longtemps, mon trouble a été mal pris en charge. Les médecins généralistes sont peu formés. Ils ne voient pas le trouble bipolaire, mais uniquement la dépression et prescrivent des antidépresseurs, alors que ce n’est pas ce qu’il faut. C’est pour ça qu’il ne faut pas avoir peur de voir un psychiatre.

Pascal Langlois
Hypomaniaque, bipolaire de type 2

Le diagnostic peut prendre du temps, mais une fois posé, il ouvre la voie à une meilleure prise en charge et à une vie plus sereine. Selon Pascal, « il faut oser en parler et consulter. Il ne faut pas diaboliser la psychiatrie ». Des solutions existent et, avec le bon accompagnement, il est possible de mener une vie épanouie.

Les traitements s’accompagnent d’un mode de vie équilibrée. « Le sommeil est fondamental, le sport aussi, moi, je me suis remis au pilates, à la musculation et à la course. Puis, il faut être entouré, en parler et s’écouter. Mon épouse m’a beaucoup aidé à surveiller tout ça », raconte Pascal.

La peur du regard des autres

Parler de sa bipolarité n’est pas facile. « Je pense qu’il faut le faire, même si c’est dur. J’ai longtemps hésité à en discuter avec mes proches, de peur de les inquiéter ou d’être jugé, confie Pascal, mais je l’ai fait avec ma femme et des amis proches. Avec mes enfants en revanche, c’est plus difficile ».

S’engager pour « aider les patients »

Aujourd’hui, Pascal est bénévole pour l’UNAFAM (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), de Rouen et pour l’Argos 2001, en région parisienne. Ces deux associations viennent en aide aux personnes atteintes de troubles psychiques et à leurs familles. Désormais, le bénévole veut surtout s’engager auprès des patients eux-mêmes.

Son objectif est d’accompagner les jeunes diagnostiqués et de promouvoir la psychoéducation, qui permet aux patients de mieux comprendre et gérer leur maladie. Pour lui, le plus important, c’est d’en parler : « N’ayez pas peur, parlez-en aux copains, à la famille. » Pascal souhaite aussi sensibiliser le grand public.

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