En 2025, être une femme dans l’espace public n’est (toujours) pas chose aisée. Le sentiment d’insécurité ne cesse d’accroître au gré des expériences malheureuses, voire traumatiques. Anna Margot le Doussal, étudiante nancéienne de 23 ans en Master Management de l’Innovation, livre un douloureux, mais trop commun témoignage à ce sujet : en octobre 2024, elle est victime d’une tentative de viol, à laquelle elle réussit heureusement à échapper. Le choc est très violent : « Me déplacer est devenu un combat. J’étais dépendante de ma voiture. J’avais une peur permanente. »

L’idée lui vient alors de mettre cette douloureuse expérience à profit : « Mon école a organisé un concours pour la mobilité verte des étudiants. J’ai eu l’idée d’un bus réservé aux femmes. » Le projet prend le nom de Réseau Athéna, « un nom qui rentre dans l’usage commun, utilisé avec fierté. C’est cool d’être ramené par une déesse ! », se réjouit Anna Margot. Originaire de Carpentras, elle décide de le lancer à Toulon, « une ville à taille humaine, dans laquelle je pensais bien me sentir en tant que femme seule ».

75 000€ pour le projet test

Le principe : un bus 100% féminin doté d’un « dispositif de double bouton, avec un bouton d’arrêt standard et un bouton d’arrêt entre deux stations, pour que les passagères puissent s’arrêter au plus près de leur lieu de destination ». Une phase test est prévue pour janvier, « avec trois minibus électriques d’une trentaine de places de 17h à 22h, sur des lignes du réseau Mistral ». Il s’agira « de collecter des données pour comprendre où et quand une femme va demander un arrêt. On va ensuite travailler avec les acteurs du territoire pour sécuriser les villes, développer des arrêts Athéna, un éclairage renforcé des rues où il peut y avoir des agressions et négocier avec les collectivités pour acheter des caméras de surveillance ». Les données seront enfin « utilisées pour nourrir notre logiciel, accessible via une application. L’utilisatrice pourra choisir un arrêt non prévu, et s’arrêter dans un rayon autour de lui. Le logiciel enverra un message au conducteur pour optimiser son itinéraire ».

La jeune femme bénéficie, jusqu’en août, de l’apport du réseau Pépites, dédié à l’accompagnement des étudiants entrepreneurs. Quant au financement, elle table sur un budget de 75 000 euros, via un financement participatif, mais surtout par les collectivités, « qui ont montré un fort intérêt, tout comme le sénateur Michel Bonnus », et, espère-t-elle, par les industriels toulonnais, « qui pourront bénéficier du service pour leurs employées », précise-t-elle. Des discussions avec la Région Paca, « qui peut financer jusqu’à 70% du projet test », sont en bonne voie : « Ils veulent copiloter le projet test. Si ça se passe bien, l’idée est de l’étendre à toute la région. » Pour que les femmes puissent enfin sortir sans craindre le retour à la maison.