On aurait voulu faire autrement mais c’était compliqué. L’actu cette semaine c’est la déprime totale. Une déprime quasi nietzschéenne : l’Éternel retour du même – les campements qu’on évacue pour qu’ils se reforment ailleurs, la pauvreté qui tape dur sur ceux qui n’en demandent pas tant et les assos qui les aident comme elles peuvent. On a peut-être besoin de vacances, mais les mauvaises nouvelles aussi. En attendant, allons y gaiement.
L’histoire de la semaine
Chaque midi jusqu’à fin août, la Fabrique de théâtre se mue en cantine solidaire. En moyenne 500 personnes y viennent chercher un repas, un mot, une présence. La file s’allonge, les visages changent : étudiants, retraités, familles logées mais en galère de fin de mois. En 2024, 24 000 repas avaient été distribués. Cette année, la hausse est déjà de 20 % sur les deux premières semaines. La municipalité finance à hauteur de 150 000 euros, l’État 15 000 euros.
Derrière les barquettes : 80 bénévoles se relaient, et les associations à la coordination – Secours Populaire et Abribus – se trouvent en tension. Les murs, eux, ne s’élargissent pas. Et la pauvreté, elle, ne prend pas de vacances.
L’autre histoire de la semaine
Les jours comptés d’un campement invisible. Soixante tentes, cent quatre-vingts personnes, dont une soixantaine d’enfants : le campement du parc du Heyritz, en plein cœur de Strasbourg, cristallise la crise de l’hébergement d’urgence. Chaque soir, après le travail ou les cours de français, les migrants, réfugiés comme déboutés, reviennent dormir ici. Dans la chaleur, l’indignité d’un habitat de fortune et la peur de l’évacuation qui monte – elle viendra dans la première semaine d’août, le tribunal ayant donné huit jours aux occupants.
Les jours du campement du Heyritz sont comptés. Photo Jean-Marc Loos
Sabine Carriou, de l’association Les Petites Roues, rappelle que nombre de ces familles ont été mises à la rue après la suppression de près de 700 places d’hébergement pour ménages à droits incomplets (MDI). « L’évacuation ? Elle ne résout rien. Les réfugiés auront peut-être une solution. Les autres chercheront juste un nouveau coin de verdure. »
La Ville installe des toilettes, élague les arbres pour limiter les risques. Mais à force de tourner en rond, le cercle devient vicieux.
Les chiffres de la semaine
À Strasbourg, l’association Envie a donné une seconde vie à 7 131 appareils électroménagers l’an dernier sur 12 000 récupérés. Mais depuis la loi Agec de 2020, le « gisement » s’épuise. Le nombre d’appareils entrants aurait chuté de 50 % en un an. En cause : la concurrence des grandes enseignes qui reprennent désormais directement les produits usagés… sans démarche d’insertion.
L’association Envie a donné une seconde vie à 7 131 appareils électroménagers l’an dernier. Photo Laurent Réa
À Koenigshoffen et rue Herrade, 35 salariés en CDD d’insertion travaillent dans les ateliers d’Envie, qui accompagne 180 personnes chaque année vers l’emploi, avec 60 % de sorties positives. Mais pour continuer à faire rimer économie circulaire et inclusion sociale, l’association appelle à la mobilisation : don direct d’appareils, dépôt en bon état, ou enlèvement à domicile (à 15 € jusqu’à fin septembre).
La citation de la semaine
« Un monde totalement incroyable, qu’[il] n’imaginai [t] absolument pas »
Marc se souvient de sa première visite à l’Incognito, l’un des bars gays emblématiques des années 1970-80 à Strasbourg. Le lieu et le témoignage figurent sur la carte interactive de l’histoire « pédée » de la ville, mise en ligne par le Front d’action gay Strasbourg (FAGs). En croisant paroles, archives et géographie urbaine, ce jeune collectif donne à voir une mémoire queer vivante, politique et locale — des Stolpersteine du Heyritz aux mobilisations d’Act Up en passant par les anciens lieux de fête.
La façade du bâtiment de l’Institut National du Service Public (INSP, ex-ENA) est dé-végétalisée en attendant la pousse de plantes plus résilientes. Photo Franck Kobi
L’image de la semaine
En vrai, l’image de la semaine c’est cette petite fille, dans la file plus haut. Signée Jean-Marc Loos, elle fait ce que font les meilleures photos de presse : elle dit, elle montre ce qu’on veut ni voir, ni entendre. Mais comme on ne veut pas finir ce débrief sur quelque chose d’aussi universellement triste qu’une enfance abîmée, regardons ailleurs. Symbole de l’architecture écologique à Strasbourg depuis 2011, le mur végétalisé de l’ancienne ENA, aujourd’hui INSP, a été entièrement démonté. En cause : la défaillance du système d’irrigation et les sécheresses à répétition. Il sera remplacé par une végétalisation en pleine terre, moins spectaculaire mais plus résiliente, avec vigne vierge et clématite. Un changement d’approche salué par l’architecte du projet d’origine, Patrick Schweitzer, soucieux de préserver une ambition verte en milieu urbain. Chutons là-dessus : résilience et renouveau tirés des erreurs passés.