Par

Isabelle Villy

Publié le

26 juil. 2025 à 16h58

Depuis 1986, Nutriset développe, fabrique et distribue des solutions nutritionnelles, dont le plus connu est le Plumpy’Nut, pour prévenir et traiter le fléau de la malnutrition auprès des populations vulnérables, via des ONG (World food programme, Unicef, Médecins sans frontières, Action contre la faim, le Comité de la Croix-Rouge, etc.).

Mais l’entreprise, basée à Malaunay (Seine-Maritime), près de Rouen, subit une crise majeure, avec les baisses drastiques de l’aide publique au développement, et surtout avec l’arrivée du nouveau gouvernement Trump qui a réduit de 80 % les financements de l’Agence des États-Unis, alors qu’ils représentent 55 % de l’aide fourni dans le monde.

La production a chuté de 60 000  à 32 000 tonnes

Nutriset a donc vu sa production chuter de 60 000 tonnes en 2023 à 32 000 tonnes cette année : « dès janvier, nous avons eu un arrêt complet des commandes et même certaines annulées. Si les ONG n’ont plus d’argent, c’est un drame pour les enfants, mais aussi pour nos industries », a déclaré Adeline Lescanne-Gautier, présidente du groupe Nutriset, lors de la visite d’une délégation de parlementaires, le jeudi 10 juillet.

Malaunay visite Nutriset
La production a chuté, passant de 60 000 tonnes à 32 000 tonnes. ©Le BulletinLa malnutrition aiguë sévère qui frappe 45 millions d’enfants dans le monde

À l’invitation des ONG Action santé mondiale, Alima et Médecins sans frontières, quatre députées (Sabrina Sebaihi d’Europe Écologie Les Verts, Sandrine Josso du Modem, Marie-Agnès Poussier Winsback d’Horizon et Béatrice Piron d’Horizon) ont, lors d’une présentation, été sensibilisées aux enjeux de l’aide alimentaire pour lutter contre la malnutrition aiguë sévère qui frappe 45 millions d’enfants dans le monde, en raison des guerres, des situations économiques ou du réchauffement climatique.

Dans un second temps, elles ont découvert le rôle de Nutriset à travers une visite complète de l’unité de R&D et de production (broyage, thermisation, mélange, emballage et stockage) et surtout appréhendé les impacts des choix politiques des pays donateurs.

« Les parlementaires ont besoin d’arguments contre les anti-aides. Comment peut-on laisser mourir des enfants, alors que nous avons des solutions efficaces produites ici et localement. Au-delà de l’impératif moral, il y a aussi un impératif économique en France et là-bas. Avec 1 dollar dans la malnutrition, ce sont 23 dollars en retour d’investissement », a fait valoir Stéphane Doyon, responsable programme pour Médecins sans frontière, ajoutant que c’est aussi un moyen de lutter contre les migrations, contre les conflits et les déstabilisations.

« La France aurait un rôle à jouer » 

« En investissant dans la malnutrition, on investit dans la sécurité et la stabilité mondiale. Alors, c’est le moment d’être cohérent. La France n’est pas un pionnier dans l’affaire et aurait un rôle à jouer, surtout que pour celui qui a montré la voie, c’est fini ! Il faut que quelqu’un reprenne le flambeau. C’est un plaidoyer pour que la copie budgétaire 2026 soit moins raide que celle de 2025 », a prévenu Stéphane Doyon.

Malaunay visite Nutriset
Nutriset a dû licencier 15% de son effectif. ©Le Bulletin

« Nous avons des solutions innovantes développées par une société française qui profitent à des millions d’enfants. Si on poursuit la baisse des financements, c’est un risque de danger pour le monde entier. Hier, 9 millions d’enfants étaient pris en charge. Dès aujourd’hui, ils ne seront plus que 6,5 millions », a renchéri Gautier Centlivre, coordinateur d’Action santé mondiale.

Des discussions âpres auront lieu à la rentrée sur le budget

La parlementaire Marie-Agnès Poussier Winsback, malgré sa motivation, a concédé que des discussions âpres sur le budget auront lieu à la rentrée. « Il va falloir trouver 40/45 milliards d’euros. Il faudra faire des choix et il sera important de bien en mesurer les conséquences. On voit que cela va avoir des incidences sur nos entreprises. Nous devons être porteurs de ce message. Nous allons pouvoir batailler collectivement ».

En attendant, Nutriset ressent déjà les effets des baisses de financement : « et les conséquences sont catastrophiques. Nous avons déjà dû licencier près de 15 % de nos salariés. Normalement, dans cette période, nous avons envoyé tous les produits. Là, il n’y a pas de commandes », a déploré Adeline Lescanne-Gautier.

Suivez l’actualité de Rouen sur notre chaîne WhatsApp et sur notre compte TikTok

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.