À Marseille, le centre de la Vieille Charité propose jusqu’au 28 septembre 2025 une exposition Tatouage. Histoires de la Méditerranée. La pratique a traversé les époques, les territoires et les sociétés. Le tatouage entre aujourd’hui dans l’histoire de l’art, symbole de transgression, de protection, de sacré, sa résurgence contemporaine est l’occasion de revenir sur une histoire passionnante vieille comme l’humanité.

Savez-vous que la moitié de la population italienne est tatouée, qu’un tiers des Français l’est aussi, et beaucoup plus encore chez les jeunes, avec une recrudescence du phénomène depuis les années 2010. Mais au-delà des modes, que signifie encrer sa peau ?

« C’est un signe de transgression, c’est un défi lancé aux normes et aux contraintes sociétales. Le tatouage et le féminisme ont une relation ancienne puisque pendant des siècles, en France et dans l’Europe occidentale, la femme tatouée était une femme de mauvaise vie. Or, aujourd’hui, le tatouage est perçu comme le moyen de l’appropriation, de la réappropriation de son corps. Le tatouage modifie ce qu’on pourrait imaginer être un état de nature. Avec le tatouage, on peut définir qui l’on est véritablement », explique Nicolas Misery directeur des musées de la ville de Marseille et commissaire de l’exposition.

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Si le tatouage est tendance, il a été par le passé l’apanage des criminels et des marginaux, raconte-t-il : « Nous sommes heureux de présenter dans l’exposition cet ensemble de photographie de relevés de tatouages venu du musée Cesare Lombroso à Turin, un ensemble de plusieurs milliers de photographies réalisées à la fin du 19e siècle et au début du 20e, où l’on mettait des prisonniers à nu pour photographier leurs tatouages comme la marque d’une criminalité de nature. On a utilisé le tatouage comme un signe de reconnaissance des personnes dangereuses et marginales ou malades. C’est parfois déchirant ce qu’on peut voir sur ces tatouages. On peut lire la solitude, le sentiment d’être le jouet du malheur, du destin, la bravade avec des phrases adressées à l’autorité pénitentiaire et plus généralement à la vie qui a amené beaucoup de personnes dans les marges. »

Le centre de la Vieille Charité nous fait voyager dans le temps. L’étude momifiée d’Otzi, homme néolithique du 4e siècle, atteste d’un pratique thérapeutique pour soigner l’arthrose. L’archéologie des mondes antiques, de la Syrie à l’Espagne en passant par l’Égypte ou Chypre, témoigne d’un usage constant variant de l’ornemental à l’infamant. « Dans le monde grec et romain, les esclaves qui avaient tenté de fuir étaient marqués par des tatouages, des marques infamantes gravées sur le visage, le front. Ils étaient immédiatement identifiés comme des personnes mises au ban de la société », rappelle le commissaire de l’exposition.

Le monde médiéval chrétien va réprouver le tatouage, mais tolérer les marques d’appartenance religieuse comme les croix ou les scènes de crucifixion. Chez les femmes amazighes, de la Libye à la Mauritanie, les motifs géométriques du tatouage marquent un statut marital ou un symbole de protection. Depuis la fin des années 1960 et les luttes anticoloniales des artistes du Maghreb ou du monde arabe ne cessent de se réapproprier ces motifs culturels dans leur production contemporaine.

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