La jaunisse fait craindre une nouvelle année noire aux producteurs de betteraves. Ceux-ci ont encore en mémoire la « crise sévère de la jaunisse de 2020 » qui s’était traduite par une « perte de 30 % de la récolte nationale, soit 280 million d’euros, et jusqu’à 70 % du rendement dans certaines régions ». La confédération des planteurs de betterave français (CGB) a rappelé ces chiffres dans un communiqué diffusé il y a dix jours.
Depuis début juillet, la jaunisse virale touche à nouveau les régions betteravières en Île-de-France, Champagne, Haute-Normandie, Centre-Val de Loire. Les mesures prophylactiques et les « traitements insecticides (flonicamide et spirotétramate) n’ont pas permis d’endiguer les infestations de pucerons », indiquent les professionnels.
« Impasse technique »
La démonstration, selon eux, que les travaux conduits depuis 2021 avec l’Inrae (Institut national pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) « n’ont pas encore permis de mettre au point des alternatives efficaces aux néonicotinoïdes ». Cette « impasse technique » leur fait craindre le pire.
C’est pourquoi, ils espèrent voir appliquée la loi Duplomb, qui vise à lever les contraintes à l’exercice de l’activité agricole. Le texte adopté le 8 juillet prévoit de réintroduire, à titre dérogatoire, l’usage de l’acétamipride, un insecticide interdit depuis 2018 en France, mais autorisé dans le reste de l’Union européenne. C’est précisément le sujet qui fâche. La pétition demandant l’abrogation de la loi Duplomb est en passe de dépasser les deux millions de signatures.
Pour répondre à la colère, Gabriel Attal, chef de file des députés macronistes et la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, ont annoncé vouloir saisir l’Anses sur ces questions. Or, l’agence sanitaire a déjà été saisie à deux reprises sur le sujet, et publié deux volumineux rapports en 2018 puis en 2021, le second portant précisément sur « les alternatives aux néonicotinoïdes pour lutter contre la jaunisse dans les cultures de betteraves ».
Odeurs répulsives et insectes prédateurs
« Et oui, ces alternatives existent », souligne Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS. Elles s’appuient notamment sur « l’usage de substances répulsives », à l’image des parfums conçus par l’entreprise Agriodor à Rennes, « sur le mélange de plantes compagnes avec les betteraves » ou encore « le recours aux chrysopes », ces insectes prédateurs des pucerons.
« Mais cela suppose d’aider les producteurs désireux de s’engager dans ces alternatives », suggère le chercheur, qui n’a de cesse de dénoncer la dangerosité de l’acétamipride. « Et pas seulement pour les abeilles ! Des études montrent que ce neurotoxique est capable de traverser la barrière placentaire. Il est aussi très soluble dans l’eau et on en a même retrouvé dans l’eau de pluie au Japon. »