Lorsqu’elle a annoncé sur les réseaux sociaux que l’Omnium Banque Nationale serait le dernier tournoi de sa carrière, Eugenie Bouchard est restée plutôt vague sur les motifs et les raisons l’ayant poussée à accrocher sa raquette à 31 ans. À quelques heures de ce qui pourrait être son dernier match, elle s’est expliquée.

Publié hier à 15 h 06

Partager

La Québécoise a été la première des 96 participantes à s’adresser aux membres des médias. Elle s’est présentée avec son téléphone cellulaire en main, habillée de la tête aux pieds par le fabricant New Balance, son commanditaire principal.

« C’est un mélange de tristesse, de joie, de soulagement et de fébrilité », a indiqué Bouchard d’entrée de jeu, samedi, quelques instants après la tenue du tirage ayant permis de connaître les affrontements du premier tour.

Elle se dit donc triste de mettre un terme à la carrière dont elle rêvait dès l’âge de 9 ans. Elle se dit aussi heureuse de pouvoir le faire dans ses propres termes, chez elle à Montréal, là où elle a agrippé une raquette pour la première fois.

À la demande d’un confrère, elle a également insisté sur le sentiment de soulagement qui l’habitait.

« Un soulagement, parce que je n’aurai plus besoin de souffrir », a précisé sans hésiter l’ancienne cinquième raquette mondiale.

Le regard franc et les mains placées sur ses cuisses, elle a rappelé que « le tennis est un sport difficile. Tu dois accepter et endurer la douleur physique chaque jour. Et je le fais depuis 25 ans ».

Sur sa publication Instagram du 16 juillet où elle a annoncé ses intentions, Bouchard a reçu près de 32 000 mentions J’aime, 693 personnes l’ont commentée et 1388 l’ont partagée. Malgré les bons résultats de Leylah Annie Fernandez, l’ascension fulgurante de Victoria Mboko et le retour en action de Bianca Andreescu, on ne parle que de Bouchard dans les coulisses du stade IGA. Depuis une dizaine de jours, tout tourne autour de la finaliste de Wimbledon en 2014. Son histoire est presque devenue plus importante que le tournoi lui-même.

Bouchard affirme qu’elle n’avait pas réfléchi à la portée et à l’effet qu’allait avoir sa décision dans la sphère médiatique. « Je n’y avais pas vraiment pensé. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Je dois dire que j’ai reçu beaucoup de messages positifs. La plupart des articles sont très positifs. Je ressens beaucoup d’amour et de respect. C’est un bon feeling de se sentir appréciée. C’est ce que je ressens le plus depuis les dernières semaines. »

Pour conserver un bon souvenir

Bouchard affrontera la Colombienne Emiliana Arango au premier tour. Arango, 24 ans, pointe au 81e rang du classement mondial. Dans ces circonstances, le résultat du tirage a donné une chance à la Québécoise de s’en tirer. Au deuxième tour, elle pourrait croiser le fer avec Belinda Bencic, 17e tête de série.

Pour l’heure, cependant, Bouchard n’a pas envie de penser au résultat. Elle se concentre davantage sur la manière. « Je veux bien performer. Je n’ai pas joué dans un tournoi de cette importance depuis le tournoi de Toronto l’an passé. »

J’ai joué récemment pour garder la forme, mais je veux juste livrer une bonne performance, peu importe le résultat. Je ferai de mon mieux.

Eugenie Bouchard

La Québécoise veut surtout se comporter comme s’il s’agissait d’un « tournoi normal ». Même si elle sait trop bien qu’il n’en est rien. « Il y a des émotions, c’est sûr », a-t-elle avoué.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Eugenie Bouchard lors de l’Omnium Banque Nationale en 2023

Pour Bouchard, l’essentiel sera d’accumuler et de conserver le plus de souvenirs possible de cette semaine unique. Semaine qui mettra un terme à une carrière parsemée de hauts et de bas, de célébrations et de déceptions, de rêves et de cauchemars.

La Montréalaise aurait même pu paraphraser Andy Bernard dans The Office, qui aimerait trouver un moyen de savoir qu’on est dans le bon vieux temps avant de le quitter.

« Quand j’aurai 60 ans, je voudrai repenser à cette semaine avec bonheur », s’est-elle plutôt contentée de dire.

Pour ce faire, ses critères se révèlent assez élémentaires. « Ne pas si mal jouer, apprécier chaque moment, apprécier gagner un point, apprécier la foule et ressentir chaque moment du match de manière exagérée. C’est cliché, mais je veux être dans chaque moment, parce que ça va passer vite et après ce sera du passé. »

Il s’agissait peut-être de la dernière disponibilité médiatique de Bouchard en tant que joueuse de tennis professionnel. Il a été question abondamment du passé et un peu de l’avenir. Comme s’il s’agissait d’un message d’adieu. L’ambiance était empreinte d’émotion dans la salle de conférence de presse.

Bouchard a donc voulu ramener tout le monde à l’essentiel. « Je veux que ce soit un party, pas des funérailles. Tout va bien ! »

Suite et fin

Sylvain Bruneau a été le premier entraîneur à croire en Bouchard. Dans une entrevue accordée à La Presse le jour de l’annonce de la retraite de la joueuse, Bruneau a avoué se rappeler le moment où il a dit à la mère de Bouchard, âgée de 9 ans, que cette joueuse attentive et curieuse avait quelque chose de spécial. Quelque chose que les autres joueuses de son âge n’avaient pas.

Et le temps a donné raison à Bruneau. L’ancien chef du tennis féminin chez Tennis Canada a accompagné Bouchard en 2014, lorsqu’elle a atteint une finale et deux demi-finales en tournois du Grand Chelem. Il a aussi été son entraîneur à la Coupe Fed.

Pour son dernier tournoi, Bouchard tenait à ce que Bruneau l’accompagne une dernière fois. Il sera donc son entraîneur pour la durée du tournoi. Les deux ont entamé leur préparation jeudi sur le court central du stade IGA.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvain Bruneau, ancien chef du tennis féminin chez Tennis Canada

« J’ai demandé à Sylvain de m’aider cette semaine et je suis très heureuse qu’il puisse faire ça avec moi », a expliqué Bouchard avec fierté.

« J’apprécie son coaching et la personne qu’il est. Il a toujours été dans mon coin. On boucle la boucle. J’étais ici à 9 ans, sur ces terrains, dans le programme canadien au centre national. Finir ça avec lui, c’est spécial. »

D’ici à son match de premier tour, Bouchard continuera sa préparation sur les différents courts du parc Jarry. Et entre chaque séance d’entraînement, avant d’aller aux douches, elle prendra assurément quelques bains de foule. « D’ici à ce que je meure, je ne dirai jamais non à un autographe ou à une photo ! »