C’est un long ruban humain bigarré et joyeux, portant casquettes, bobs, Gwenn ha Du et chaises pliables qui s’est soulevé sur les deux bas-côtés de la montée de Cadoudal, qualifiée de « terrain punchy », par Marion Rousse, directrice du tour de France féminin.

« On ne les voit pas encore assez »

Le public ne manquait pas non plus de tonus. En première ligne, Bernard. Il réside là, au sommet, au « 28 La Forge ». Il a convié « (ses) potes de boulot », Yohann, Mika, Fred, Jacky et Laurent. Pour ces fidèles du grand prix cycliste féminin de Plumelec, c’était une évidence d’être là pour encourager Marie le Net et Maurène Trégoët, la native de Ploërmel. Leurs proches voisins ? Six militants CGT, arrimés à leur stand, à un coude avant la côte. « Dans le foot, le cyclisme, le rugby, les femmes brillent, mais on ne les voit pas encore assez par rapport aux hommes. Et les salaires ne sont pas encore les mêmes ! », se fait entendre Françoise Guiot, secrétaire de l’Union Locale de Vannes.

Bernard, à domicile, et ses « potes de boulot », Yohann, Mika, Fred, Jacky et Laurent.Bernard, à domicile, et ses « potes de boulot », Yohann, Mika, Fred, Jacky et Laurent. (Le Télégramme/Thierry Charpentier)« Autant de mérite que les hommes »

Anne-Marie et Emile, retraités, ont pris la route, ce samedi, depuis Moréac (56), pour applaudir les féminines. Leur camping-car se repère de loin, recouvert d’une fresque arborant une bigoudène pédalant dur, juchée sur un vélo dont des Triskell font office de roues. « Les femmes ont autant de mérite que les hommes, et on peut plus facilement les approcher », assure Anne-Marie. Elle sort un classeur, bourré d’autographes. Elle comptait bien obtenir quelques griffes supplémentaires parmi les 154 concurrentes.

Anne-Marie et Emile, de Moréac, fans de cyclisme féminin et chasseurs d’autographes.Anne-Marie et Emile, de Moréac, fans de cyclisme féminin et chasseurs d’autographes. (Le Télégramme/Thierry Charpentier)« Elles animaient la course ! »

Mickaël, Yohann, Malo, Béatrice, Laëtitia et Audrey ont déballé le pique-nique à quelques mètres de l’arrivée. Ils sont originaires de La Méaugon et Pédernec (22), et ont eux aussi un discours militant : « Le cyclisme féminin rattrape son retard. Les mentalités évoluent. L’UCI a fait beaucoup pour ça, il faut quand même le dire. Nous, on a couru en amateur avec Aude Biannic, Audrey Cordon-Ragot et Julie Bresset. Elles animaient la course ! ». Ils sont là pour soutenir « nos neuf Bretonnes », et particulièrement Elyne Roussel.

Les costarmoricains Mickaël, Yohann, Malo, Béatrice, Laëtitia et Audrey : « Le cyclisme féminin rattrape son retard ».Les costarmoricains Mickaël, Yohann, Malo, Béatrice, Laëtitia et Audrey : « Le cyclisme féminin rattrape son retard ». (Le Télégramme/Thierry Charpentier)« Les filles font le spectacle »

Gwenaëlle, 9 ans, et son petit frère Bilal sont lovés contre leur père, Clément, qui leur lit une BD pour tuer le temps. « Le tour de France masculin est passé près de chez nous, à Évran (22). On s’est dit, tiens, on va s’organiser pour venir voir les filles », raconte le papa. Gwenaëlle, qui a déjà un vélo de course, trouve « injuste que les hommes courent avant les femmes ». Clément a un sourire de connivence. Il est sur la même ligne : « Foot, rugby, vélo… Les filles font le spectacle. Elles devraient avoir le même salaire ».

Gwenaëlle, 9 ans, et son petit frère Bilal sont lovés contre leur père, Clément : « Foot, rugby, vélo… Les filles font le spectacle ! ».Gwenaëlle, 9 ans, et son petit frère Bilal sont lovés contre leur père, Clément : « Foot, rugby, vélo… Les filles font le spectacle ! ». (Le Télégramme/Thierry Charpentier)« Encore plus de respect »

À 350 m en amont de l’arrivée, Daniel et Sylviane Laurenceau, venus de Picardie, ont le regard presque fiévreux. « Pardi, on est dans le vélo ! », s’exclame Daniel. L’une de leurs deux filles, Sophie Évrard, a même été trois fois championne du monde. Ils bataillent pour que les féminines « obtiennent encore plus de respect. Une fois les courses terminées, beaucoup doivent retourner travailler. Notre fille a toujours bossé pour pouvoir courir ! Pour faire les championnats du monde, elle avait fait un appel aux dons pour boucler son budget ».

« Il faut être tenace »

Les joues de Jasmine, 10 ans, ont pris des teintes bleu blanc rouge. Elle est venue de Languidic (56) avec son papa, Antoine, féru de VTT, qui a un petit faible pour Pauline Férand Prévot. Il constate « une évolution des mentalités en faveur du sport féminin ». Lui cherche d’abord « à donner le goût de l’effort physique » à sa fille. À quelques mètres de là, une immense fresque des agriculteurs de la FDSEA. « Tous les métiers, et tous les sports, sont accessibles aux femmes. Il faut être tenace », professe Marie-Andrée Luherne, présidente de la FDSEA 56.

Jasmine et son papa, Antoine, féru de VTT, qui veut, lui, inculquer avant tout le goût de l’effort physique.Jasmine et son papa, Antoine, féru de VTT, qui veut, lui, inculquer avant tout le goût de l’effort physique. (Le Télégramme/Thierry Charpentier)« On va y arriver ! »

À mi-côte, le bitume a été recouvert de slogans à la gloire de Marie le Net, la coureuse de Bréhan. Maëline, 10 ans, a roulé sur ce tronçon, en participant à la course des 10-11 ans organisée en prélude au départ de l’étape. Elle était la seule fille dans cette tranche d’âge. « Elle aimerait bien avoir plus de copines à faire du vélo », témoigne Sabrina, sa maman, qui pressent qu’un déclic a eu lieu. « Dans la vie professionnelle, il y a encore du chemin à parcourir, mais on va y arriver ! », souffle-t-elle à Maëline.