Il est né à Barcelonnette en 1989, il a participé à des championnats de France de ski de fond. Les touristes comme ils sont maintenant l’ont empêché d’adopter la profession de son père, accompagnateur en haute montagne. Sa passion pour la guitare ne lui a pas permis de devenir rock star. Avec des soirées de musique ici et là, il finançait ses études à Aix-en-Provence. Il ne suivait pas les cours, il lisait énormément. Cendrars, Brauquier, Izzo, Bourdieu et Piketty continuent d’être importants pour sa manière d’envisager le monde. Il entreprit d’écrire un polar. Puisque chante la nuit, la chute sans fin d’un village de 400 âmes dans le Nebraska, 180 pages crépusculaires furent éditées par André Odemard ; Théo Giacometti avait 23 ans.
Ligne de conduite : sauver l’intime et les contre-pieds
Journaliste dans sa ville natale pour le Dauphiné Libéré, il s’est formé sur le terrain. Il aime questionner, trouver des renseignements inédits, obtient l’estime et la confiance de ses interlocuteurs. Son journal exige qu’il soit photographe. Grâce au regard d’un marcheur d’Ubaye, Claude Gouron, il prospecte dans les Alpes et en Slovénie, débusque des ours et des loups. Son Leica a remplacé son stylo-bille. Il effectue des pas de côté, veut « montrer ce qu’on n’a pas encore vu ». En 2018, quand il décide de s’établir à Marseille, il joue sa vie et ses engagements en tant que photographe de presse. Entre autres raisons, parce qu’il aime comprendre intuitivement et « ne pas en dire trop ».
Il cherche des supports et des marges de manœuvre, envoie partout ses images, travaille sur tous les sujets d’actualité qui se présentent, trouve progressivement le ton qui lui appartient. Depuis Libération-Marseille, Patrick Gerdhoussi lui confie des adresses, explique comment s’orienter. Théo Giacometti est un sensible qui investigue énormément, à partir de ses curiosités et de ses fragilités. Apprécié par les magazines internationaux, un reportage au long cours qu’il effectue auprès de la jeunesse d’un village Inuit du Groenland, joue son rôle. L’agence Hans Lucas l’aide pour sa diffusion.
On apprend en faisant. Son vocabulaire et ses outils se précisent. Des Prix et des bourses de création lui ont été accordés. Son statut reste celui d’un narrateur désireux d’élaborer des séries, une trame avec des incipit, des leitmotivs et des coda. Avec l’aide du Cnap, il réalise actuellement « La Hogra », à propos de l’injustice dans le 13e arrondissement de Marseille. La galerie Triangle de Nadège Texier l’a sollicité et exposé, projette un événement pour les RIP d’Arles de 2026.
Ses revenus proviennent principalement de la presse ; Le Monde et Libé sont ses employeurs, Gilles Rof aime partager et chercher en sa compagnie. Théo Giacometti a composé pour Le Monde un portrait de Rodolphe Saadé qui ferme les yeux et ne sourit pas. Il a rencontré un Benoît Payan hors-norme qui entama pour lui une lecture à haute voix de Pâques à New York. Il a contribué à des enquêtes à propos du RN à Port Saint-Louis-du-Rhône, à Perpignan et dans le Var. Le Guardian et les journaux allemands, pour la rue d’Aubagne et les délogés, lui ont demandé d’être à la fois fixeur et photographe. Puisqu’il habite près des Riaux, il était sur la brèche pendant les incendies de l’Estaque.
Ses plus profonds espoirs viennent d’ailleurs. Deux de ses plus vives joies procèdent de rencontres inattendues avec deux femmes : Rébecca, 96 ans, une personne douce et vigilante après être passée par Drancy et les Camps et Marguerite, une mère courage moins âgée, aperçue à la faveur d’un travail du côté d’Aigues-Mortes et de la Camargue. On évoquera aussi la lutte discrète qu’il livre contre la douleur. Une maladie héréditaire, la spondylarthrite ankylosante détériore ses articulations. Pour arrêter la croissance du mal, il refuse de s’immobiliser : tôt le matin, la course à pied est l’une de ses activités d’élection. Le challenge fut rude, il a couru en présence de son épouse et de sa fille aînée, en trois heures et cinq minutes, le Marathon de Paris : occasion pour récolter 1 500 euros de fonds en faveur de SOS Méditerranée.