Pour le ministre des Affaires étrangères, la décision d’Emmanuel Macron de reconnaître l’État de Palestine incitera les pays arabes à condamner «pour la première fois» le Hamas et à demander son désarmement.
«La perspective de l’existence d’un État de Palestine n’a jamais été aussi menacée ni aussi nécessaire.» Ce dimanche 27 juillet, Jean-Noël Barrot défend dans les pages de la Tribune Dimanche la reconnaissance à venir de l’État palestinien par la France. Trois jours après l’annonce du président d’une reconnaissance formelle par la France d’un État de Palestine lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le ministre des Affaires étrangères justifie la décision d’Emmanuel Macron, très mal reçue en Israël, accueillie de manière contrastée par ses alliés européens, en invoquant une situation inédite depuis les accords d’Oslo.
Ceux-là, conclus en 1993 par le chef de l’organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat et le premier ministre israélien Yitzhak Rabin, devaient préparer à une autonomie palestinienne. Soumis à plusieurs conditions dont le rejet du terrorisme par l’OLP, ils n’ont pas abouti. Au regard de ces exigences initiales, la reconnaissance de l’État palestinien alors que des otages du 7 Octobre sont toujours détenus par le Hamas peut passer pour une contradiction.
«Cette décision légitime les massacreurs du 7 Octobre et leur cortège de souffrances» a ainsi estimé Marine Le Pen. Pas du tout, estime Jean-Noël Barrot pour qui ces deux sujets peuvent se mener de front. «Le Hamas doit être désarmé et exclu durablement de toute gouvernance de Gaza et de la Palestine. L’Autorité palestinienne doit être profondément réformée. Les pays arabes doivent normaliser leur relation avec l’État d’Israël et construire avec lui une architecture commune de sécurité», détaille-t-il à nos confrères de La Tribune . À Netanyahou qui lui reproche «d’encourager la terreur», Barrot répond : «Je renvoie le premier ministre israélien à son discours de Bar-Ilan de 2009 dans lequel il définissait les conditions d’une solution à deux États. Ces conditions ne sont ni plus ni moins que celles que nous avons mises sur la table.»
Comment s’étonner de la faiblesse de l’Autorité palestinienne quand on la prive de 2 milliards d’euros ?
Jean-Noël Barrot
Pour mettre fin au conflit à Gaza, Barrot considère que le levier le plus puissant est entre les mains de l’Union européenne. Qui doit, poursuit-il, «exiger la levée du blocus financier et le paiement des sommes dues à l’Autorité palestinienne par Israël». Soit deux milliards d’euros. Les accords d’Oslo prévoyaient en effet la collecte par l’État hébreu des taxes sur les importations et exportations palestiniennes transitant par ses ports et frontières. Lesdites taxes devaient ensuite être reversées à l’Autorité Palestinienne pour financer son budget, le traitement des fonctionnaires par exemple. Ces transferts de fonds ont régulièrement été gelés par Tel Aviv, pour des motifs politiques ou par crainte qu’ils ne financent le Hamas. «Comment s’étonner de la faiblesse de cette Autorité quand on la prive de 2 milliards d’euros ?» demande Jean-Noël Barrot.
Un État qui sera désarmé
D’ici au 21 septembre, date de l’annonce officielle à l’Assemblée générale de l’ONU, la France œuvrera «sans relâche pour réunir d’autres pays susceptibles de reconnaître la Palestine, et de nouveaux engagements des pays arabes vis-à-vis de la sécurité d’Israël» assure le ministre. À l’en croire, le fait que notre pays soit le premier du G7 à franchir ce pas entraînera les autres et convaincra les pays arabes à condamner «pour la première fois» le Hamas et à demander son désarmement. Le ministre affirme que ces annonces pourraient avoir lieu dès cette semaine lors de la conférence qui se tient lundi et mardi à New York sous l’égide des Nations unies.
Pour que l’État de Palestine soit viable et ne reste pas une promesse symbolique, le ministre des Affaires étrangères attend un certain nombre d’engagements de la part de l’Autorité palestinienne. En premier lieu desquels le respect de la sécurité d’Israël. Comme preuve de sa bonne volonté, Jean-Noël Barrot cite cette lettre envoyée par Mahmoud Abbas en juin au président Macron. Le chef de l’autorité palestinienne a «pour la première fois qualifié le 7 octobre 2023 d’attentat “terroriste”» et accepté «que cet État de Palestine soit démilitarisé» afin de ne présenter «aucune menace pour la sécurité d’Israël», se félicite le ministre des Affaires étrangères.