D’un côté, l’archipel norvégien du Svalbard, les îles australiennes Heard et McDonald, l’archipel français de Saint-Pierre-et-Miquelon ou encore l’archipel britannique des îles Malouines. De l’autre, la Russie, la Biélorussie, Cuba ou encore, entre autres, la Corée du Nord. Si ces îles très peu voire pas du tout peuplées sont concernées par les nouveaux droits de douane annoncés mercredi 2 avril par Donald Trump, les quatre Etats mentionnés échappent quant à eux étrangement aux nouvelles taxes douanières.

Un oubli de l’administration Trump ? Non, répond la présidence, qui a justifié les exemptions accordées à ces quatre pays. S’ils ne figurent pas sur la liste, c’est qu’ils font déjà l’objet de droits de douane élevés et que les sanctions américaines imposées précédemment bloquent tout « commerce significatif » avec ces pays, a indiqué la porte-parole de la Maison-Blanche Karoline Leavitt auprès du site américain Axios. « Nous ne faisons pas de commerce avec la Russie et la Biélorussie à cause des sanctions », a lui aussi justifié le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, sur Fox News.

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« Donald Trump met des taxes douanières sur des pingouins mais pas sur Vladimir Poutine », a ironisé sur le réseau social X le chef de file des sénateurs démocrates, Chuck Schumer. Pour les opposants à Donald Trump, les manchots symbolisent l’absurdité de la guerre commerciale mondiale déclenchée par le président américain, qui semble ainsi ménager la Russie.

Une décision (géo) politique

Comme le rappellent Axios et Newsweek, les Etats-Unis continuent bel et bien d’échanger davantage avec la Russie qu’avec des pays comme Maurice ou Brunei, qui figurent pourtant sur la liste des Etats soumis à des droits de douane de Donald Trump, ou encore le Laos et Fidji. Mais la valeur des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Russie a chuté d’environ 35 milliards de dollars en 2021 à 3,5 milliards de dollars en 2024, soit une baisse de plus de 90 %, selon les chiffres du commerce américain, en raison des sanctions imposées à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ce niveau est le plus bas atteint depuis 1992. A ce stade, seuls quelques produits échappent aux sanctions, comme les engrais, le combustible nucléaire et les métaux rares, qui continuent de circuler.

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« Je pense qu’il s’agit d’une décision politique », a expliqué Alexandra Prokopenko auprès du New York Times. « Donald Trump ne souhaite pas d’escalade tant que ses discussions avec Vladimir Poutine (sur l’Ukraine) sont en cours », a indiqué cette chercheuse au Carnegie Russia Eurasia Center de Berlin, par ailleurs ancienne responsable de la banque centrale russe. Le président américain pourrait donc retarder l’imposition de nouvelles restrictions économiques à la Russie afin de peser dans les négociations de paix.

L’idée que Donald Trump utilise les droits de douane comme un outil de négociation géopolitique semble corroborée par son traitement de l’Iran, une autre cible de ses ambitions de négociation. Comme le rappelle le New York Times, le président américain a placé Téhéran dans la tranche la plus basse des nouveaux tarifs, 10 %, ce qui est par exemple inférieur au taux imposé à Israël, pourtant un allié des Etats-Unis.

Des nouvelles taxes sur le pétrole russe ?

La Russie pourrait cependant bientôt faire face à des sanctions supplémentaires plus fortes. Un projet de loi bipartisan présenté par 50 sénateurs américains démocrates et républicains pourrait en effet voir les Etats-Unis imposer des « lourdes » sanctions contre la Russie et les entités soutenant l’agression en Ukraine si Moscou ne s’engage pas « de bonne foi » dans des « négociations pour une paix durable » avec Kiev. Ce projet de loi prévoit l’imposition de droits de douane de 500 % sur les marchandises importées des pays qui achètent du pétrole, du gaz et de l’uranium russes. De tels droits de douane compliqueraient considérablement le commerce extérieur de la Russie.

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Après avoir effectué dans un premier temps un rapprochement spectaculaire avec Moscou, Donald Trump, qui cherche à obtenir à tout prix un cessez-le-feu en Ukraine, a récemment changé de ton. Le président américain s’est dit dimanche « furieux » contre son homologue russe Vladimir Poutine et a menacé d’imposer de nouvelles taxes sur le pétrole russe. « Si la Russie et moi ne sommes pas capables de parvenir à un accord pour mettre un terme au bain de sang en Ukraine, et si je pense que c’était la faute de la Russie, je vais imposer des droits de douane secondaires sur tout le pétrole qui sort de Russie », a-t-il averti dans un entretien à la chaîne NBC. De son côté, Moscou a demandé à Donald Trump de lever certaines des sanctions, dans le cadre des négociations de cessez-le-feu en Ukraine.