« Faire avec le patrimoine existant. » La phrase lancée il y a deux ans par l’ancien adjoint municipal aux sports (Sébastien Jibrayel, qui s’est vu retirer sa délégation en mars et a été condamné début juillet à une peine de douze mois avec sursis pour violences en réunion) semble toujours d’actualité. Les températures caniculaires de ce début d’été ont fait des piscines des refuges de fraîcheur pris d’assaut par les Marseillais, révélant une nouvelle fois le manque de bassins dans la deuxième ville de France. Des carences accentuées durant cette saison estivale, alors que huit des quatorze piscines municipales affichent porte close pour le grand public jusqu’au 3 août (trois sites sont réservés à l’apprentissage de la nage).

« Pas l’idéal mais on n’a pas le choix »

Sur les bords de bassins, les Marseillais font donc comme ils peuvent. « Pour les gamins, je préfère la piscine que la mer : c’est surveillé, plus propre et ça me permet de ne pas trop les exposer au soleil, explique Mohamed, 38 ans, ses cabas et ses trois enfants sous le bras. J’habite Saint-Joseph mais la piscine des Micocouliers est fermée (pour des stages d’apprentissage de la nage, NDLR) en juillet. Je suis donc obligé de venir à Vallier et donc, de prendre ma voiture et de payer le parking… Ce n’est pas l’idéal mais on n’a pas vraiment le choix. »

Comme Mohamed, David doit s’adapter. « Je suis un habitué de Saint-Charles mais c’est fermé, dit le quadragénaire qui enchaîne les longueurs quatre fois par semaine. La nouvelle municipalité avait promis plus de bassins et des amplitudes élargies, mais on n’y est pas. Avec les épisodes de chaleur répétés, c’est devenu une question de santé publique ! »

La Ville de Marseille dit pourtant « réaffirmer son engagement social, sportif et sanitaire, en ouvrant ses 14 piscines, en instaurant des horaires prolongés (lundi au dimanche, de 10h à 14h et de 15h à 19h30), en garantissant la gratuité en cas de canicule, et en déployant quatre bassins mobiles pour les jeunes (lire ci-dessous) ». Elle pourrait également, « en cas de vigilance canicule rouge uniquement », décider des « ouvertures supplémentaires », en fermant ses bassins mobiles et en redéployant les personnels qui y sont affectés.

La Martine, Pont-de-Vivaux et Bonneveine fermées tout l’été

Sauf que La Martine, Pont-de-Vivaux et Bonneveine seront fermées tout l’été et que les amplitudes horaires posent questions à de nombreux Marseillais. « On comprend mal pourquoi les bassins n’ouvrent qu’à 10h en été, quand ils le sont dès 8h le reste de l’année, soulève Magali, une prof d’EPS qui vient de boucler ses trois kilomètres matinaux à la piscine de la Pointe-Rouge. Ça permettrait aux nageurs de profiter des lignes de natation à l’ouverture et de laisser la place aux familles ensuite. Là, il y a quelques conflits d’usage… »

Seule piscine en plein air de la ville, ouverte tout l’été, face à la mer et dotée d’un petit bassin et d’espaces ombragés, la Pointe-Rouge semble victime de son succès. « Faut arriver tôt pour trouver une place à l’ombre, confirme Saadia, venue des Caillols avec ses deux enfants. Mais globalement l’équipement est bien géré et agréable. C’est dommage qu’il y ait une pause méridienne et de ne pas pouvoir profiter du site toute la journée. »

Photo d'illustration de l'articleIllustration / Infographie Rémi Mathieu

Sur ce dernier point, l’ancien adjoint avait justifié que cette coupure permettait un roulement parmi les baigneurs et un nettoyage des sites. « C’est compréhensible, estime pour sa part, Noémie, autre nageuse aguerrie. Mais on le voit durant les périodes de canicule, les piscines sont surpeuplées. Le vrai problème, c’est le petit nombre de bassins et l’abandon de certains sites, comme celui de Luminy… »

Ouverture dès 7h… en septembre

D’abord promise pour 2026, la rénovation de cet équipement emblématique (comprise avec celle de la piscine Nord via une société d’économie mixte à opération unique, pour un budget de plus de 120 millions d’euros) semble patauger. Et le patrimoine reçu par la municipalité en 2020 n’aura finalement pas évolué d’ici la fin de mandat (en attendant la nouvelle piscine Bougainville en 2027 et une éventuelle réhabilitation de la Bombardière espérée à la même date). La Ville semble donc contrainte de mettre l’accent sur l’existant. Et a fait le choix politique de renforcer ses programmes d’apprentissage de la nage, nécessaires alors que dans le nord de la ville un élève sur deux arrive en 6e sans savoir nager. « En 2024, plus de 1 467 enfants ont ainsi bénéficié de ces dispositifs », indique la Ville, qui vise les « 3 400 enfants formés à l’été 2025 ».

Quant aux bassins totalement fermés, la Ville avance « des travaux de maintenance ou de rénovation indispensables » (à La Martine par exemple : reprise de la coupole, du solarium et du parvis d’entrée, pour 183 000 euros ; à Pont-de-Vivaux : dernière phase de travaux de rénovation pour un total de 150 000 euros), la nécessité de « reposer les installations, après une forte sollicitation en période scolaire » mais aussi « la gestion des ressources humaines, dans un contexte de pénurie nationale de maîtres-nageurs ». Et si les horaires estivaux n’ont pas évolué cette année, la municipalité promet que cinq piscines seront ouvertes dès 7h à la rentrée (à Magnac, Vallier, Saint-Charles, Louis-Armand et La Castellane) renforçant ainsi « les 47 heures hebdomadaires d’ouverture supplémentaire depuis janvier » sur l’ensemble de ses équipements.

Illustration du dossier Idées sorties