À l’appel du collectif Strasbourg Palestine, plusieurs centaines de personnes sont parties de la place Kléber, samedi 12 avril vers 15 heures, pour protester contre « le génocide en cours » en Palestine. Le cortège avançait depuis quelques minutes quand il s’est arrêté au niveau de la boulangerie Dreher, 50, rue des Grandes-Arcades.

Une altercation rapidement maîtrisée par la police

En terrasse, « certains membres » de « deux familles de touristes venus d’Israël » se sont « offusqués de la nature de la manifestation », résume une source policière. Des participants font état d’« insultes » et d’ « un doigt d’honneur ». « Le ton est monté avec des manifestants, accentué par l’effet de groupe », puis une brève empoignade a opposé une manifestante et un des touristes. Altercation vite maitrisée par la police, témoigne un reporter des DNA , qui a assisté à la fin des échanges.

Militants et badauds ont sorti leur téléphone pour filmer la scène. L’une de ces vidéos a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Côté commerce, on voit trois policiers de la brigade spécialisée de terrain du centre de Strasbourg, positionnés devant l’entrée du magasin. « Reculez », incite posément l’un d’eux.





Devant la boulangerie, les manifestants pro-palestiniens ont agité des drapeaux, sifflé et crié avant de repartir, assez rapidement. Photo DR - Copie d’écran Facebook

Devant la boulangerie, les manifestants pro-palestiniens ont agité des drapeaux, sifflé et crié avant de repartir, assez rapidement. Photo DR – Copie d’écran Facebook

Côté rue, on voit les manifestants, agiter des drapeaux palestiniens. On les entend siffler et crier. « Ces gens-là sont des criminels, ne répondez pas à leur provocation », demande une militante au mégaphone pour encourager le cortège à se remettre en marche. « La manifestation a repris son trajet » en direction de la place du Château, via le quai des Bateliers, « sans plus de perturbations et sans autre incident », confirme la police.

Les images, elles, ont commencé à tourner sur les réseaux sociaux. Les commentaires, plus ou moins éloignés de la réalité, ont pris une tournure politique.

L’entreprise n’a «aucun lien avec quelconque conflit géopolitique»

« Ces “manifestants” instrumentalisent les réelles souffrances du peuple palestinien pour déverser leurs haines antisémites », a commenté la conseillère municipale, Pernelle Richardot , sur Facebook dimanche soir.

« Les images d’une boulangerie à Strasbourg, prise pour cible parce que considérée comme tenue par des juifs, sont insoutenables », a embrayé Étienne Loos, candidat malheureux aux législatives de 2024 dans la première circonscription du Bas-Rhin (Strasbourg-Centre). « Merci aux forces de l’ordre qui se sont interposées, mais que se serait-il passé sans leur présence ? » s’est interrogé le potentiel candidat à l’élection municipale de 2026 à Strasbourg.

Une tournure nationale

« Voilà, on y est, les manifestants chauffés à blanc par les partis d’extrême gauche antisémites s’en prennent maintenant aux commerces “juifs” comme en 33, la boulangerie Dreher », s’est ému sur le même réseau Thierry Roos , vice-président d’honneur du Consistoire israélite du Bas-Rhin. […]. Il serait temps d’interdire de telles manifestations mettant en danger les commerçants et leurs clients de moins en moins nombreux à Strasbourg Centre. […] Toute ma solidarité avec la famille Dreher […] »

Le patron, Benjamin Dreher, s’en étonne : « On est une entreprise familiale de Kehl. On n’a aucun lien avec un quelconque conflit géopolitique. » L’entrepreneur, à la tête d’une quinzaine d’établissements en Allemagne et de trois autres à Strasbourg, précise qu’il n’y a « pas eu de dégâts » dans sa boulangerie. « Les vendeuses, habituées à voir passer les manifestations, ne se sont rendu compte de rien », ajoute-t-il, médusé par les proportions que prend l’affaire.

Même la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Aurore Bergé, y est allée de sa publication sur « X » dans la soirée de dimanche. « Une boulangerie prise d’assaut à Strasbourg car elle serait israélienne […]. L’antisémitisme dans notre pays a tué ces dernières années. […] L’État agit, est et sera implacable. Mais c’est toute la société qui doit maintenant réagir et agir. »

« Un manque de respect pour toutes les victimes d’hier, d’aujourd’hui et de demain ! »

« Non mais Madame la ministre, fallait rechercher un minimum ! Fallait au moins téléphoner à la boulangerie », a réagi dans une vidéo postée sur Facebook un certain « Zek TL » qui se présente comme « le responsable du service d’ordre » de la manifestation, dénonçant « une grosse fake news ».

Il en va de même pour l’adjointe à la maire de Strasbourg Nadia Zourgui, qui a dénoncé sur Facebook  les « fausses informations partagées de multiples fois » sur la toile. « C’est indigne, et c’est un manque de respect pour toutes les victimes d’hier, d’aujourd’hui et de demain ! Et cela quel que soit le bord politique ! », a-t-elle ajouté avant de remercier la police nationale pour son travail.

« L’incident totalement isolé est clos », a assuré le Collectif Strasbourg Palestine lundi 14 avril dans un communiqué. La terrasse de la boulangerie Dreher avait retrouvé son calme habituel.

La plupart des publications et commentaires affichés sur les réseaux sociaux ont été supprimés ou amendés au cours de la journée de lundi 14 avril.