Le procureur de la République de Marseille a classé sans suite la destruction, le 15 juin 2014, de l’Atelier Nadar situé au 77, la Canebière, inscrit aux monuments historiques. Interrogé par La Marseillaise sur cette procédure périmée par oubli, le parquet s’est borné à répondre que la plainte du préfet du 3 juillet 2014 avait été classée pour… prescription. Aucune poursuite pénale ne peut être engagée. L’enquête, qu’on savait en coma stade 4 depuis onze ans, a fini par être débranchée.
« Nous sommes particulièrement déçus et même choqué à Sites & Monuments d’apprendre cette triste issue judiciaire. C’est un échec sans nom. Mais l’immeuble garde le statut de monument historique. L’Atelier Nadar peut et doit être reconstruit à l’identique comme le prévoit le Code du patrimoine », réagit Sandrine Rolengo, la déléguée de l’association nationale de protection du patrimoine. « Nous souhaitons la création d’un musée in situ qui rassemble les œuvres photographiques représentatives de la période marseillaise de Félix Nada, mais aussi du fonds Fernand Detaille racheté en 2021 par la Ville. »
Le dimanche 15 juin 2014, l’Atelier photographique de Félix Nadar (1820-1910) s’effondrait, une catastrophe révélée deux semaines après sa survenance par Marsactu. Ce lieu à l’abandon était l’atelier du plus grand portraitiste français de 1897 à 1902, là où posèrent Frédéric Mistral, le roi du Cambodge, ou encore Colette Mistral et les frères Lumière. Par chance, les précieuses chambres photographiques, les enseignes d’Antoine Lumière au fameux paraphe de Nadar stylisé et des décors étaient conservés ailleurs. Des éléments sont exposés au Musée d’histoire de Marseille.
L’immeuble, propriété de la Ville, avait été cédé 192 000 euros en 2010 dans des circonstances aussi troubles que l’eau du Vieux-Port, par Marseille Aménagement à une SCI qui en reste propriétaire. Sitôt connu l’effondrement, la Drac (Direction régionale des Affaires culturelles) avait tenté, en vain, d’accéder au site, essuyant le refus du propriétaire qui avait déjà fait évacuer les gravats. Des traces de sciage de bois laissaient penser à un acte volontaire. La Drac avait demandé une enquête « afin de déterminer les conditions d’effondrement et de disparition de tout le corps de bâtiment constituant l’atelier proprement dit et afin de déterminer le caractère organisé et volontaire ou pas, la négligence volontaire ou pas de cette destruction ».
Le préfet de région déposait plainte le 30 octobre 2014 à l’appui des procès-verbaux de constatation du 19 août 2014. Le parquet s’est-il appuyé sur le Code du patrimoine qui prescrit une transmission au procureur « à peine de nullité, dans les quatrejours qui suivent le jour de la constatation de l’infraction » ? Des infractions étaient-elles néanmoins caractérisées ? « C’est un dossier qui a été maltraité, mais cela ne résulte pas d’une volonté de notre part. Il y a eu des blocages, mais maintenant le dossier est réactivé » déclarait pourtant en mai 2016 une vice-procureure qui disait avoir « réactivé » l’enquête (La Marseillaise, 3 mai 2016).
L’immeuble reste sous le coup d’une procédure de mise en sécurité depuis 2019. Un bureau d’études a attesté en janvier 2021 de la stabilité des appartements où Nadar a vécu. « L’ensemble des étages et la cage d’escalier ont été renforcés de manière à réduire les flexions des planchers et des paliers. À ce stade, la structure peut être considérée comme stabilisée dans l’attente de la rénovation complète du bâtiment. »
L’immeuble est sous arrêté de péril, les étages et l’arrière-cour restant interdits. Au titre de la législation des monuments historiques, il doit être conservé et restauré. Aucun travaux ne peuvent se faire sans l’accord de la Commission régionale des monuments historiques, sous l’autorité du préfet de région. L’expropriation serait souhaitable s’agissant d’un monument historique en péril et de l’intérêt public attaché au sauvetage de ce pan d’histoire.