Et le coupable désigné est le même partout : la santé mentale. Les Allemands souffrent de plus en plus « de troubles psychologiques », confirmait Markus Beier, le président de l’Association allemande des médecins, au média DW. En Espagne, les arrêts maladie pour cette raison ont augmenté de 78 % depuis 2018. Ils sont la deuxième cause d’arrêt de plus de deux semaines.

Les jeunes plus sensibles aux questions de santé mentale

Et les salariés français ? Ils ne vont pas franchement mieux. Le baromètre Mercer publié en juillet note une « augmentation du taux d’absentéisme en 2024 » due surtout aux arrêts de longue durée, « souvent pour des raisons de santé mentale ».

« Quand on regarde les raisons des arrêts, ça ne bouge pas pour les TMS (troubles musculo-squelettiques) ou les maladies graves. En revanche, on a une explosion des troubles psychosociaux », nous explique Florian Bocognano, responsable actuariat du département santé et prévoyance de Mercer France. Deux catégories de salariés sont particulièrement touchées : les aidants, confrontés à une charge mentale importante, et les plus jeunes salariés.

« Les problèmes de santé mentale ont longtemps été invisibles mais on assiste à une vraie libération de la parole qui touche d’abord la dernière génération entrée dans le monde du travail, celle qui était étudiante pendant le covid et qui a été sensibilisée à cette question », analyse-t-il.

Des jeunes « moins hésitants à prendre soin de leur santé »

Cette libération, le baromètre 2025 de Malakoff Humanis sur l’absentéisme la confirme : 49 % des jeunes actifs de moins de 30 ans ont eu au moins un arrêt dans l’année. C’est sept points de plus que la moyenne des salariés et les troubles psychologiques sont désormais le deuxième motif d’absence. Ils représentent un quart des arrêts de longue durée. Pour l’assureur, l’entrée dans la vie active est un « choc » pour beaucoup. Les jeunes sont plus stressés et attribuent leurs arrêts à une charge de travail excessive ou à des pratiques managériales « problématiques ». Malakoff Humanis pointe aussi un rapport au travail différent. Les jeunes « sont moins hésitants à prendre soin de leur santé ».

Il y a un vrai tabou qui a été levé sur la santé mentale dans la société.

« Il y a un vrai tabou qui a été levé sur la santé mentale dans la société. La nouvelle génération a plus de facilité à poser un arrêt pour cette raison », approuve Florian Bocognano, de Mercer.

Alors les plus jeunes salariés sont-ils plus fragiles que leurs aînés ? L’expert n’est pas de cet avis. Selon lui, ils tirent juste la sonnette d’alarme plus tôt : « Pour l’instant, on voit une hausse des arrêts de quinze jours. On peut craindre des abus, comme pour tout. Mais on peut aussi voir que si le problème est pris en charge au plus tôt, c’est comme pour la santé physique, on va éviter des problèmes plus graves plus tard. Enrayer la machine prend du temps. Il faudra surveiller si, dans les années qui viennent, on voit une baisse des arrêts de plus de 180 jours », analyse-t-il.

Les gouvernements serrent la vis (sauf un)

En attendant, les gouvernements cherchent à enrayer le phénomène pour faire baisser la facture. En Belgique, la possibilité de s‘absenter une journée sans certificat médical a été limitée à deux fois par an, contre trois auparavant. En Allemagne, les assureurs et les employeurs réclament l’instauration d’un jour de carence. En France, le gouvernement envisage d’allonger ce délai de carence et d’instaurer un jour qui ne serait plus remboursé pour aucun salarié.

« Ça permettra de faire des économies sur les arrêts maladies de très courte durée. Un salarié enrhumé préférera peut-être demander du télétravail ou aller au bureau plutôt que d’être arrêté deux jours. Mais ça ne va pas enrayer le phénomène des arrêts plus longs qui nécessite de la prévention en entreprise », constate Florian Bocognano.

Un seul pays fait exception dans sa stratégie : le Royaume-Uni. Un projet de loi du gouvernement est actuellement en débat et propose de mieux indemniser les salariés absents pour raisons de santé en supprimant les quatre jours de carence actuellement en vigueur et en faisant payer les employeurs. Principal argument : les salariés seront bien plus épanouis et productifs et les entreprises seront gagnantes.