Ce Tour de France a eu son lot d’interrogations sur les performances du vainqueur, Tadej Pogacar…
Ça existe depuis la nuit des temps. Quand Merckx gagnait, on avait les mêmes débats. Dès que quelqu’un gagne très fortement, les soupçons arrivent. Mais il n’y a pas un sport aussi contrôlé que le vélo. Pogacar a jusqu’à trois contrôles par jour. On est le sport le plus contrôlé et on met quand même 10 millions d’euros (dans la lutte antidopage, déléguée à l’ITA). C’est quand même énorme. Pas un autre sport au niveau mondial en fait autant. Et le vélo de Pogacar, comme d’autres, a été démonté entièrement. Rien n’a été trouvé. Donc, je n’ai pas de doute à avoir en l’état actuel des connaissances.
Vous avez augmenté le budget de la lutte antidopage de 2,5 millions en 3 ans, pourquoi ?
On voulait encore renforcer notre système avec plus de possibilités d’investigation, plus de possibilités de stockage. Par exemple, on stocke 15 000 échantillons par an, soit 150 000 sur 10 ans. Ça nous permet de retester des échantillons. Le stockage, ça coûte de l’argent. C’est toute cette politique aussi à long terme qui coûte de l’argent. Le message est de dire aux coureurs qu’on peut réanalyser leurs échantillons dans 2 ans, 5 ans ou 10 ans.
Vous êtes-vous rendu compte que vous ne faisiez pas assez ?
On peut toujours se dire que ce n’est pas assez. Nous sommes de loin la première fédération internationale en termes de lutte antidopage. Certaines dépensent 50 000 euros par an, nous 10 millions. À un moment, il y a quand même des limites. Là, on a aussi développé le cyclisme féminin et il faut y renforcer les contrôles.
Certains coureurs disent qu’il y aura toujours un nouveau produit dans la zone grise. Est-ce inhérent au cyclisme ?
Je ne dirais pas le cyclisme. La triche est inhérente à l’homme. Il y a des gens qui trichent pour les impôts, d’autres dans la queue du restaurant universitaire. Ce qu’on veut, c’est que celui qui triche soit sûr qu’il sera pincé. Et on met les moyens pour ça. Quand j’ai été élu, j’ai annoncé qu’on allait bannir le tramadol. On l’a fait. Depuis, l’Agence mondiale de l’antidopage (AMA) l’a fait. J’ai dit que je souhaitais vraiment être très actif sur les corticoïdes pour que l’AMA l’interdise. Ça a été fait. On a interdit le monoxyde de carbone. Je gage que l’AMA va suivre. On est souvent en amont, même des instances officielles de régulation de l’antidopage. On n’a pas peur de lutter. D’autres n’ont pas la même force. À l’époque, on entendait parler de l’EPO, mais il n’y avait pas de méthode de détection. Là, je n’entends pas parler spécialement d’autres produits que ceux sur lesquels on a travaillé.
S’il y a des avantages (avec les cétones), on est prêt à prendre n’importe quelle décision. On n’a jamais tremblé.
Vous aviez déconseillé les cétones. C’est devenu une pratique courante dans le peloton. Quel poids avez-vous ?
On était sur des recommandations sur les cétones. En septembre sera publié le résultat de nos recherches scientifiques qui ont été faites pendant deux ans et qui concluront le sujet. À savoir s’il y a un avantage ou pas. J’ai les résultats mais je dois d’abord les présenter à l’ensemble des acteurs du cyclisme professionnel au Conseil du cyclisme professionnel de septembre.
S’il y a un avantage, seriez-vous prêt à les interdire ?
S‘ il y a des avantages, on est prêt à prendre n’importe quelle décision. On n’a jamais tremblé. Faut-il encore que les choses soient prouvées.
On a vu une très grosse domination d’UAE cette année…
Historiquement, on a toujours eu des dominations d’équipes. Reprenez La Vie claire, en 1986, ils avaient le premier, le deuxième, le quatrième, le huitième et le dixième du général. Ça a toujours existé. Quand vous avez plus de moyens, vous avez plus de bons coureurs. Il y a des très bons coureurs, notamment Tadej Pogacar, mais aussi Adam Yates, qui a déjà fait podium sur le Tour. Quand vous avez des équipiers capables d’être sur le podium du Tour, vous avez une équipe plus forte.
Ne faudrait-il pas homogénéiser les budgets ?
Clairement, oui. On avait beaucoup travaillé sur un budget cap. On avait plutôt pas mal avancé pour faire des propositions. Mais ce n’était pas forcément le souhait des équipes, et plus particulièrement des plus petites. Je n’arrive toujours pas à comprendre la logique. Si les petits veulent continuer de se faire hara-kiri, qu’ils continuent ainsi. Je reste persuadé que c’est un dossier majeur. Une égalité des forces ou au moins une harmonisation est toujours intéressante dans le sport. Si vous évitez d’avoir tous les meilleurs coureurs dans la même équipe, c’est plus intéressant.
Tous les gens qui me disent qu’il faut changer le modèle, j’aimerais bien qu’ils me disent par quoi il faut le remplacer. Et ils ne marchent pas si mal. Pour autant, on a des équipes qui peuvent être en difficulté. Ce n’est pas d’aujourd’hui. Mais même avec d’autres modèles comme celui des droits télé, ça n’empêche pas des clubs de foot de couler : Bordeaux a été liquidé, Lyon a été relégué en Ligue 2. On le voit avec la Ligue 1, on a beau baser les budgets sur d’autres recettes, si elles diminuent, ça peut être aussi une difficulté. Il n’y a pas de modèle parfait.
Toutes les équipes avec un siège social dans le même pays pour éviter les différences de fiscalité, c’est possible ?
Non, car on ne peut pas le faire. On ne peut pas empêcher une équipe d’un pays de pouvoir se monter. Globalement, les équipes françaises ont 40 % de charge de plus que les autres équipes. C’est handicapant.
Et problématique ?
Il peut y avoir un problème de concurrence. Mais on n’est pas un championnat national, on est à l’échelle internationale, On ne peut pas non plus obliger tel ou tel modèle. Et le niveau de charges dépend des États.