Il a été voté fin janvier pour mettre en œuvre de nouvelles actions et conforter ou encore en officialiser d’autres, suggérées par l’expertise d’associations comme la LPO et FNE Loire, toutes deux derrière un vaste diagnostic de l’existant en 2021. Arbre opportuniste qui cache en réalité une forêt de négligences comme l’estime l’opposition écologiste ? Ou au contraire avancées par étapes bien senties au profit des habitants humains ou non ? Le « plan d’actions en faveur de la biodiversité » a été présenté symboliquement début juillet au parc de Montaud.

A Montaud, la Ville revendique de laisser pousser plus « librement » qu’ailleurs. ©If Medias / XA

Beaucoup de raisons de désespérer. Plus rarement mais, parfois aussi, d’espérer. Fin 2022 – début 2023, Saint-Etienne Métropole communiquait régulièrement sur les connaissances acquises par la constitution de son « Atlas de la biodiversité ». Des remontées d’enquêtes de terrain de la part de ses partenaires que sont la LPO Loire et FNE Loire dans le cadre de cette démarche d’atlas scientifique menée sur son territoire (lancée ailleurs dans la Loire avant elle), en partie participative, financée et développée par l’Office français de la biodiversité (OFB). Etat des lieux d’ampleur inédite aux bilans comparatifs, pour ce que l’on connaissait déjà, souvent alarmants.

Fin 2022 par exemple, il pointait l’éradication très probable du territoire du crapaud Bombina Variegata, « vernaculairement » sonneur à ventre jaune, victime parmi tant d’autre de l’omniprésence humaine alliée à la sécheresse. A l’inverse, les investigations avaient démontré la bonne santé du papillon qu’est l’Azuré du serpolet (Phengaris arion) sous nos latitudes. Ce n’est pas le cas dans cette dernière espèce mais bien souvent, étaient enfin constatées des « remontées » d’espèces végétales ou animales méditerranéennes, témoins du réchauffement. Les humains et leurs animaux domestiques ne sont pas les seuls à habiter la Métropole, pas encore. C’est valable aussi pour Saint-Etienne, intramuros, sans même compter donc ses nombreux hectares très nature situés à Saint-Victor-sur-Loire et de Rochetaillée, des Gorges de la Loire et du Pilat « stéphanois ».

720 ha d’espaces verts intramuros

Et si l’intercommunalité a déployé durant le mandat qui s’achève sa « stratégie de la biodiversité », Saint-Etienne aussi, depuis fin janvier 2025 avec le vote d’un plan spécifique en conseil municipal. Infiniment trop tard, trop calculé, trop superficiel aux yeux de l’opposition écologiste : « Après plus de 10 ans à la tête de la ville, à un peu plus d’un an des prochaines élections municipales, ça y est, le maire de Saint-Etienne et son équipe s’intéressent enfin à la biodiversité. Pourquoi la signer aujourd’hui seulement ? Ce branle-bas de combat serait-il l’arbre qui cache le vide ? » Des arbres, la municipalité stéphanoise en compte un très grand nombre : elle est la propriétaire forestière n°1 du département avec 1 500 ha de forêt en sa possession. Le territoire stéphanois, dans son ensemble, compte selon les diagnostics à jour 3 000 espèces dont 108 menacées de disparition.  

©If Medias / XA

Mais plus que les grandes étendues à la fois stéphanoises et rurales mieux protégées qu’hier par une volonté publique qui dépasse le cadre municipal (objet pour certaines parties de trois classifications Natura 2000) et naturellement propices au marketing territorial, ce que la majorité municipale comme son opposition veulent d’abord démontrer, c’est ce qui se passe en « ville » même. S’y accumule un total 720 ha d’espaces verts en tous genres : des 15 grands parcs Montaud et ses 55 ha en tête, volontairement « peu aménagé » par les services jusqu’au plus petit des 80 jardins et squares à massifs fleuris, jeux, mobiliers et cheminements calibrés. Le 4 juillet, alors que commençait à s’estomper ce qui est pour l’instant l’épisode caniculaire de l’été 2025, la majorité municipale souhaitait, lors d’une visite presse à Montaud symboliquement médiatiser un « lancement » de ce plan biodiversité.

De la gestion différenciée

A l’écoute, sur place, des élus et des associations partenaires présentes, LPO et FNE Loire, que la mairie subventionne de manière conséquente, pour l’accompagner ici et ailleurs de leurs expertises – diagnostic, suggestions d’entretien et de pédagogie -, il semble que les grandes logiques de ce plan, si elles sont annoncées en développement, sont en réalité déjà en partie appliquées. Ces associations ont passé du temps à effectuer un diagnostic, préalable le plus complet possible – c’était il y a déjà 4 ans, en 2021 – afin de dresser un état des lieux de l’existant et suggérer des modalités de « gestion », parfois activement molles, pour le préserver au mieux et faire mieux. Au-delà de l’élimination des produits phytosanitaires normalement acquise à échelle municipale depuis longtemps ou, côté pédagogie, par exemple des sympathiques présentations sonores de 8 espèces d’oiseaux habitant l’immense parc de Montaud, accessibles par des QR codes placés sur des balises sur quelques arbres, il y a cette notion de gestion différenciée amenée à être renforcée.

Nous sommes plutôt avancés à ce sujet à l’échelle française mais c’est Angers la référence française et, à l’échelle européenne loin devant tous, Katowice en Pologne.

Charles Dallara, adjoint aux Parcs et jardins 

Très loin évidemment d’une réalité sauvage, Montaud approche davantage de la « vraie » nature, de cet aspect-là et donc de cette raison d’être que le Parc de l’Europe, terrain de jeu plus propice au jardinage et taillage d’école, à la « française » sans pour autant se croire à Versailles non plus. Là, où un massif de rosiers exige tel et tel soin savant, un parc comme Montand se prête plus aux coupes tardives, au bon moment pour maintenir ses atouts, quitte à laisser les herbes en folie relative ou laisser pourrir un tronc mort profitant au quotidien d’une foule de bêtes, plus ou moins petites. Logique pas toujours comprise, regrette Charles Dallara, adjoint aux Parcs et jardins : « Nous sommes plutôt avancés à ce sujet à l’échelle française mais c’est Angers la référence française et, à l’échelle européenne loin devant tous, Katowice en Pologne où personne ne s’offusque de grandes herbes poussant à côté d’infrastructures en zones très urbaines. Nous, nous continuons à couper les herbes sur quelques mètres à côté des chemins du parc comme Montaud vis-à-vis de l’acceptation. Ça évoluera. »

Le Gazé se porte bien à Montaud

Selon Christophe Dumas, directeur de FNE Loire, présent le 4 juillet, en résulte une présence d’espèces dans un parc comme Montaud allant dans le bon sens depuis plusieurs années, citant ainsi l’extension récente d’un autre papillon : le Gazé ou la Piéride de l’aubépin, pourtant en perdition dans la moitié nord de la France, et déjà disparu de Grande Bretagne. En vrac, dans les intentions affichées par le plan : des installations de nichoirs ; créer ou conserver des mares, le fameux plan spécifique au Martinet blanc et autres tentatives annoncées de concilier impératifs des bailleurs sociaux, du Bâtiment et l’existence des espèces présentes ; une incitation à la baisse de produits phytosanitaires dans les 3 200 jardins familiaux et œuvre de pédagogie tout public renforcée ; viabilité hivernale dessalée ; extension de l’éco pâturage existant ou encore projets de corridors publics de liaison préservées entre espaces verts de la ville avec incitation des habitants à en faire de même quand ils possèdent un jardin à proximité.

« La conclusion des diagnostics associatifs, c’est aussi que chaque Stéphanois habite à 300 m maximum d’un parc ou d’un jardin », soulignait d’ailleurs le 4 juillet Gaël Perdriau à l’entrée principale du parc Montaud qui, de par son étendue en a d’ailleurs quatre autres distantes l’une de l’autre. Dans sa ligne, la municipalité, comme a souhaité le mettre en avant fin janvier Diarra Kane, élue ayant remplacé depuis l’automne dernier Christiane Michaud-Farigoule, au poste d’adjointe au développement durable, cette stratégie de biodiversité est aussi envisagée comme un enjeu pour les humains. « Enjeu » de résilience, de qualité de vie, donc « d’attractivité ». Pas de sommes attachées spécifiquement à ce plan, dont les exigences sont censés guider la logique d’investissement et de fonctionnement, de manière transversale au-delà des seuls parcs et jardins. Fin janvier, Diarra Kane disait cependant que l’argent cumulé consacré à la biodiversité serait en hausse de 23 % sur le budget développement durable 2025.

Un hypercentre trop minéral ?

Selon les élus écologistes stéphanois, la logique reste cantonnée aux limites d’un symbole mal ficelé et opportuniste de fin de mandat. Fin janvier encore, à la suite de la présentation du plan, la conseillère d’opposition Julie Tokhi poursuivait son intervention en clamant que « préserver la biodiversité est un objectif vaste et essentiel pour notre avenir commun. Il ne peut être réduit à la protection d’une seule espèce d’oiseaux. Pour y répondre, il faut réellement redonner toute sa place à la nature en ville, et pas seulement dans des espaces fermés. » Et de viser précisément la qualité de vie d’un hypercentre « trop minéral », aspect qui selon elle, « n’a fait que se renforcer au cours de vos mandats. Le végétal doit se contenter d’espaces clôturés ou périphériques. Il est vrai que pour vous et votre équipe, les espaces végétalisés constituent, je cite, des “espaces de respiration”. A vous entendre, pour les usagers comme pour la faune, la ville devrait donc se pratiquer en apnée, et il faut atteindre un parc ou un jardin pour espérer reprendre de l’oxygène. »

Votre plan est une succession de promesses que vous ne tiendrez pas.

Julie Tokhi, élue municipale d’opposition écologiste

Pour les élus écologistes, c’est « l’aménagement tout entier de Saint-Etienne qu’il faut repenser. Et tout est là, à portée de main. L’étude Trame Verte et Bleue a livré ses conclusions dès 2017. Mais constater, c’est bien ; agir, c’est mieux. Le schéma d’aménagement pour la Nature en ville est posé sur une jolie carte, mais pas ou presque de réalisation concrète depuis. Ah si ! Deux aménagements pour mieux relier la voie verte en 2019, il y a donc plus de 5 ans… C’est dire s’il vous faut racler les fonds de tiroirs pour trouver des réalisations écologiques depuis votre arrivée. Heureusement, le riche tissu associatif stéphanois, par l’engagement de leurs équipes, en grande partie bénévoles, assure la protection et le développement des espaces naturels et de la biodiversité. » (…) Bref, à ses yeux, « votre plan est une succession de promesses que vous ne tiendrez pas, j’en veux pour preuve les promesses de campagne non-tenues depuis 2020, et que vous ressortez aujourd’hui. A un an de la prochaine échéance, ce plan n’est pas un plan pour sauvegarder la biodiversité, c’est une tentative désespérée pour conserver votre siège ».