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Rédaction Bordeaux

Publié le

28 juil. 2025 à 20h02

Augmenteront-ils de 10 % ? 30 % ? 200 % ? La réponse est tombée : les États-Unis et l’Union européenne ont conclu un accord, dimanche 27 juillet, au terme d’une rencontre en Écosse entre Donald Trump et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Les droits de douane ont été fixés à 15 % sur les exportations européennes Outre Atlantique. Mais pendant ce temps, dans le Bordelais, les négociants en vin vivent depuis des mois au rythme des annonces du président américain, assistant, impuissants, au bouleversement d’un secteur déjà en crise. En effet, avec plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires (20 % du total) — devant la Chine (300 millions) et le Royaume-Uni (200 millions) — les États-Unis représentent de loin le premier marché d’exportation pour les vins de Bordeaux.

« C’est très compliqué à gérer parce que c’est totalement insaisissable. Un jour c’est blanc, le lendemain c’est noir, l’administration américaine peut changer d’avis du jour au lendemain, et nous, on n’a aucune visibilité », explique Philippe Tapie, président de Bordeaux Négoce.

À la mi-mars, Donald Trump avait menacé l’UE d’imposer des droits de douane de 200 % sur les alcools, en riposte à un projet de taxes européennes sur le bourbon américain. Début avril, il brandit une nouvelle menace de 20 % de droits de douane sur tous les produits européens, finalement suspendue. Depuis, ces taxes s’élèvent à 10 % mais fin mai le locataire de la Maison Blanche a encore menacé d’appliquer 50 %, avant d’annoncer un taux de 30 % à partir du 1er août.

Un gouvernement imprévisible 

« À 15 %, on trouvera des solutions », estime Philippe Tapie tout en soulignant « une administration américaine totalement imprévisible », pendant que les stocks s’accumulent. Car, pour exporter du vin, « il y a un minimum de 30 jours de bateau. Si on passe de l’autre côté, en Californie, c’est 60 jours. On ne peut pas raisonner à la semaine », poursuit le président du syndicat des négociants bordelais qui, en trente ans de métier, n’a « jamais été confronté à une situation pareille ».

Des stocks envoyés pour anticiper les taxes

Twins Bordeaux, l’une des principales maisons de négociants bordelais qui expédie habituellement plus d’un million de bouteilles par an aux États-Unis, est aussi particulièrement « impactée » par le yo-yo des annonces et des menaces. Depuis janvier, « on doit être à 50 % de chiffre d’affaires en moins par rapport à l’année dernière », annonce Sébastien Mosès, le codirecteur et copropriétaire.

« Le marché américain représente environ un tiers de notre chiffre d’affaires, soit quelque 30 millions d’euros »

Sébastien Mosès
codirecteur et copropriétaire de Twins Bordeaux

« Jusqu’à présent, on arrive à peu près à sauver les meubles parce que dès l’élection de Donald Trump, on a anticipé et envoyé un maximum de stocks aux États-Unis fin 2024 », explique Sébastien Mosès, soulignant que cette incertitude n’est « pas propice à la mise en place d’une stratégie stable ». Et d’ajouter : « On fonctionne vraiment au coup par coup, avec un niveau de risque élevé ». Twins Bordeaux a même expédié en mars des caisses par voie aérienne, environ 10 000 bouteilles. « Mais uniquement des vins très chers, à pas moins de 150/200 euros la bouteille, car par avion c’est au moins deux fois et demie le prix d’un envoi par bateau », dit-il.

« Champion du monde dans l’accumulation de problèmes »

D’autres ont adopté des stratégies différentes bien avant le retour de Donald Trump à la présidence, comme la maison de négoce bordelaise Bouey pour qui le marché américain représente moins de 10 % de ses exportations. « On a entrepris depuis longtemps un éclatement géographique. Face au désordre du monde, les stratégies commerciales ne peuvent plus reposer sur une stratégie mono ou bi-pays », indiquait en avril Jacques Bouey, son PDG.

Pour le plus grand vignoble AOC de France, ces droits de douane interviennent dans un contexte déjà difficile, avec notamment une baisse de la consommation et des difficultés générales à l’export qui ont entraîné une surproduction et un effondrement du prix du vrac. Début 2023, un tiers des quelque 5 000 vignerons bordelais se déclarait en difficulté. « On commence à être catégorie champion du monde dans l’accumulation de problèmes », se désole Philippe Tapie.

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