Depuis juillet 2023, TCAkézo aide les personnes souffrant de troubles alimentaires et leurs proches. Basée sur le principe de la pair-aidance, l’association propose de nombreux ateliers à Strasbourg et Haguenau, pour nourrir le chemin vers la guérison.
Anorexie, boulimie, hyperphagie… Ces maux touchent près d’un million de personnes en France, selon la Haute Autorité de Santé, et surtout des jeunes femmes. Pourtant, trouver un espace pour en parler est parfois compliqué.
« J’ai été touchée d’anorexie mentale pendant mon adolescence », confie Élodie Mathis, étudiante en médecine. « J’ai ensuite eu envie d’en parler avec des personnes qui vivaient la même chose. » Elle se heurte alors à l’absence de structure associative dédiée aux personnes souffrant de troubles alimentaires à Strasbourg. La jeune femme décide alors de la créer.
© Anthony Jilli / Pokaa
L’éclosion de l’association
Fondée le 18 juillet 2023, TCAkézo a fêté il y a quelques jours ses deux ans. Contraction de TCA (troubles de la conduite alimentaire) et Acéso (déesse grecque du processus de guérison), l’association présidée par Élodie est une safe place pour celles et ceux qui souffrent de ces maladies.
© TCAkézo / Capture d’écran
Le logo incarne l’ambition du projet : un papillon, symbole de métamorphose. Il rappelle que chaque battement d’aile peut changer le cours des choses. C’est l’effet papillon. Deux visages s’y devinent, tournés vers un corps, miroir des obsessions et luttes intérieures qui caractérisent les TCA ; et en vis-à-vis, « car l’asso entend créer du lien », explique Léane Wendling, trésorière et membre de TCAkézo depuis ses débuts.
Basée sur le principe de pair-aidance (de l’entraide entre personnes concernées), l’association est composées d’une dizaine de bénévoles, des jeunes femmes dans leur vingtaine, qui ont toutes une histoire avec les troubles alimentaires : touchées ou proches de personnes qui souffrent. « On peut se revendiquer patient-expert : on a toutes beaucoup lu et appris sur ces maladies », assure Élodie. « Cette asso, c’est ce dont on avait besoin en tant que malade », ajoute Léane.
© Mélanie Berbach / Pokaa
Des ateliers pour se métamorphoser
Parce que « les restrictions alimentaires peuvent s’accompagner de restrictions sociales », nous apprend la future médecin, l’association met un point d’honneur à contrer l’isolement des patient(e)s.
Pour favoriser leur envol, TCAkézo organise chaque mois un atelier, animé par un(e) professionnel(le) : art ou musicothérapie, activité physique adaptée et éducation thérapeutique culinaire.
© TCAkézo / Documents remis
Ces ateliers intègrent des temps de parole, permettant à chacun(e) de partager son vécu et de libérer ses émotions. TCAkézo apporte ainsi « une complémentarité au travail hospitalier », promet Léane. Parfois expéditifs, « les services de psychiatrie sont débordés », explique Élodie. « Ici, on prend le temps. » Il est possible d’y participer en tant que proche aidant : « Des mères ou copains de patientes viennent parfois, ça leur permet de mieux comprendre la maladie. »
Il y a deux ans, participer à un atelier coûtait 15€. L’année suivante, entre 5 et 7€. Et pour l’année scolaire à venir, les prix seront de 3 à 5€, annonce la présidente de TCAkézo. Une baisse voulue par les bénévoles, soucieuses de rendre leurs événements accessibles à toutes et tous.
© TCAkézo / Document remis
Ensemble dans la guérison
La réduction affichée est notamment permise par les adhésions. Pour 5€ par semestre, les adhérent(e)s (une vingtaine) bénéficient d’un prix réduit pour les ateliers. En plus, l’association leur envoie une newsletter mensuelle, « pensée comme un journal de guérison », précise Léane.
On y trouve une rubrique « parole de pro » avec la Dre. Criquy-Lehoux, spécialiste des TCA, mais aussi des témoignages, les temps forts de l’asso, des références culturelles (podcasts, livres, musiques…), des articles thématiques pour se changer les idées, etc.
© TCAkézo / Document remis
L’adhésion donne aussi accès à un groupe WhatsApp, cercle de parole 2.0. « C’est plus adapté à un public jeune, moins intimidant qu’un groupe de parole comme on en voit dans les films », pense Élodie. La conversation virtuelle offre un espace de soutien au quotidien.
Sensibilisation in motion
Étudiante en audiovisuel, Léane a réalisé un court-métrage pour l’association. Intitulé Une journée dans la tête d’une anorexique, ce film amateur est un outil de parole. Traitant d’un sujet sensible, « il est toujours accompagné d’explications et ne sera jamais disponible en visionnage solo », insiste Élodie.
TCAkézo le projette chaque année lors de la semaine mondiale de sensibilisation aux TCA, début juin. Le film est aussi diffusé dans les hôpitaux ou les facultés.
© TCAkézo / Capture d’écran
Un personnage masculin y est notamment représenté, « car les hommes aussi sont concernés », rappelle Léane. « Mais la maladie reste très genrée », avertit Élodie qui s’interroge : « Est-ce en raison du tabou de la santé mentale chez les hommes ? Ou du poids des normes sociales chez les femmes ? » Quoi qu’il en soit, le film, comme l’association, ouvrent un espace de compréhension et de discussion.
Au cœur de ses missions, l’association sensibilise. « L’aidant veut souvent que la guérison aille plus vite et ne comprend pas pourquoi le patient ne mange pas », déplore Élodie. « On parle de bienveillance toxique » quand les proches font preuve de violence, sans le vouloir. Pour continuer d’éduquer à ce sujet, TCAkézo participera au village de prévention du campus de l’Esplanade, à la rentrée.
© David Levêque / Pokaa
Pour aider
Si l’association bénéficie de subventions de l’Eurométropole et du Crous, sa trésorière souhaite se rapprocher d’autres organismes. Les financements permettent de mieux accueillir les personnes accompagnées. Les dons sont également possibles, via HelloAsso.
© Coraline Lafon / Pokaa
Composée à majorité d’étudiantes qui manquent parfois de temps, l’association est toujours en quête de bénévoles. TCAkézo cherche aussi des partenaires. En juin dernier par exemple, La Brunchoise (Haguenau) a consacré 50% des bénéfices issus de la vente de ses boissons « ube latte » au soutien de l’association.
Enfin, la visibilité est un enjeu. « On doit pouvoir nous trouver, nous connaître », conclut Élodie. En parler, c’est donc aider à identifier TCAkézo : un cocon où puiser la force de prendre son envol.
Association TCAkézo
Site web, Facebook & Instagram