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Google déploie au Royaume-Uni un nouvel outil qui génère des résultats de recherche grâce à l’intelligence artificielle (IA), marquant ainsi une évolution majeure pour le moteur de recherche le plus utilisé au monde.
Plutôt que d’afficher une liste classique de liens en bleu vers divers sites, les utilisateurs qui sélectionneront le « Mode IA » obtiendront une réponse rédigée dans un style conversationnel, comprenant beaucoup moins de liens externes.
Ce nouvel outil ne remplace pas cependant la plateforme de recherche actuelle de Google, qui traite des milliards de requêtes chaque jour.
Mais les spécialistes anticipent que l’intégration de l’IA dans les moteurs de recherche deviendra de plus en plus systématique, ce qui inquiète les organisations, entreprises et éditeurs dont le modèle économique repose sur le trafic issu des recherches.
Les internautes se tournent déjà de plus en plus vers des chatbots comme ChatGPT pour obtenir rapidement des réponses simples, même si celles-ci ne sont pas toujours fiables.
Google intègre par ailleurs depuis quelque temps une courte synthèse générée par l’IA dans certaines pages de résultats.
Le nouvel outil s’appuie sur la plateforme d’IA Gemini de Google et a déjà été lancé aux États-Unis et en Inde avant d’arriver prochainement au Royaume-Uni.
Pour le moment, ce « Mode IA » sera optionnel, accessible via un onglet ou directement depuis la barre de recherche.
Des requêtes plus complexes
Google explique cette nouveauté par une évolution des usages, avec des requêtes devenant plus détaillées et complexes.
« Il y a environ deux ans, si vous aviez renversé du café sur votre tapis, vous auriez cherché “nettoyer une tache de café sur un tapis” », illustre Hema Budaraju, responsable produit chez Google.
« Désormais, la requête pourrait être “J’ai renversé du café sur mon tapis berbère, je cherche un nettoyant sûr pour les animaux”. »
Getty Images – Le Mode IA lancé aux États-Unis et en Inde
Lors d’une démonstration, Google a montré comment l’outil répondrait à une recherche sur les meilleurs endroits pour cueillir des fraises en famille.
La réponse combinait plusieurs lieux géographiquement distants et insérait quelques liens vers des commerces, ainsi que leur localisation sur une carte, bien que ces liens apparaissent plus bas que dans une recherche Google classique.
Le défi des clics
Commerces et éditeurs dépendent aujourd’hui largement du trafic généré par les résultats de recherche Google. Certains paient pour apparaître en bonne place, une forme de publicité essentielle.
Ce virage vers des réponses générées par l’IA avec moins de liens directs pourrait bouleverser ce modèle.
Google n’a pas encore fixé le modèle économique autour de ce « Mode IA », notamment question de savoir si les entreprises pourront payer pour figurer dans ces réponses.
Une crainte grandit chez certains acteurs, qui constatent une baisse du nombre de visiteurs cliquant sur leurs sites via ces résumés issus de l’IA.
Pour Hema Budaraju, cette vision est trop pessimiste : « Je pense que ces technologies ouvrent la voie à de nouveaux types de recherches. Ces questions très précises n’existaient pas vraiment avant, et aujourd’hui cela permet aux gens de s’exprimer naturellement. »
Le Daily Mail rapporte par exemple une chute d’environ 50 % des clics sur ses liens depuis que Google affiche ses synthèses automatiques.
Une étude du Pew Research Center suggère que parmi 100 recherches contenant un résumé IA, un seul lien serait cliqué, une méthodologie que Google critique vivement.
Un modèle économique en question
Rosa Curling, directrice de Foxglove, un groupe militant, s’inquiète des conséquences de la montée en puissance de l’IA pour les médias.
Selon elle, les résumés produits par l’IA, souvent erronés, font que les lecteurs restent sur la page Google sans accéder aux articles originaux, ce qui nuit aux finances des organes de presse.
« Le résumé IA capte le regard des lecteurs sur la page Google, impactant sérieusement les revenus publicitaires des médias », note-t-elle.
Google affirme déjà générer plus de deux milliards de résumés IA chaque jour dans plus de 40 langues, sauf dans l’Union européenne où des lois l’en empêchent.
Enfin, la question écologique est également posée, car faire tourner ces IA demande d’énormes data centers, gourmands en énergie et en eau.
Hema Budaraju assure que Google s’engage pour la durabilité et cherche constamment à optimiser la consommation liée à ses technologies.
Au fond, on assiste à la classique danse entre innovation technologique et conséquences économiques imprévues. Le moteur de recherche se transforme pour coller aux envies d’efficacité chorégraphiée des internautes, au risque de laisser les petites mains du net sur le bord du chemin. Mais après tout, qui a encore besoin de cliquer quand une voix robotisée vous sert le plat tout prêt ? J’avoue, pour ma part, que cette idée me fait un peu grincer… et vous ?