« Je suis 100 % sûr que cet accord est meilleur qu’une guerre commerciale avec les États-Unis. » En clair : c’est mieux que le pire… Le commissaire européen Maros Sefcovic, qui a négocié l’accord commercial avec les États-Unis au nom de l’Union européenne, n’a pas trouvé mieux lundi pour défendre le texte accepté la veille par sa présidente Ursula von der Leyen. La diversité des réactions illustre cette satisfaction de perdant. Le chancelier allemand Friedrich Merz, qui avait plaidé pour un accord avec sa collègue italienne Giorgia Meloni, se réjouit « d’éviter une escalade ». Mais le Hongrois Viktor Orban ironise : « Donald Trump a mangé Ursula von der Leyen au petit déjeuner. » En France, le ministre du Commerce extérieur se félicite « qu’aucune des lignes rouges n’a été franchie », mais son Premier ministre pleure « un jour sombre pour l’Europe ».

Que dit l’accord ? Regardons d’abord ce que dit le décor de sa conclusion : une salle de bal du complexe de golf récemment acheté par Donald Trump sur la côte ouest de l’Écosse. Une salle baptisée en toute modestie  »Donald J. Trump Ballroom », dont le président américain, ancien promoteur immobilier, précise devant Ursula von der Leyen qu’elle « a ouvert il y a relativement peu de temps et qu’elle a déjà beaucoup de succès ».

Chez lui en Écosse

C’est d’ailleurs là aussi, chez lui, que Donald Trump a reçu lundi le Premier ministre du Royaume-Uni, Keir Starmer. Et ce mardi, il accueille le Premier ministre écossais à Aberdeen, où il doit inaugurer un nouveau parcours de golf. Entre les deux, le shérif américain a fixé un nouvel ultimatum au président russe Vladimir Poutine

L’accord est à l’avenant. Il impose des droits de douane de 15 % sur la plupart des produits européens arrivant aux États-Unis, des précisions étant encore attendues sur des secteurs clés comme l’industrie du médicament ou l’agroalimentaire. 15 %, c’est plus que les taxes en vigueur avant son arrivée à la Maison Blanche (en moyenne 5 %), mais moins que les 30 % dont il menaçait l’Europe. À l’inverse, l’Europe n’impose pas de droits de douane du même niveau (ou « réciproques ») sur les produits américains.

Ajoutons que l’UE s’engage à acheter 750 milliards dollars d’énergie (surtout du gaz) aux États-Unis, mais cela était déjà dans les tuyaux. L’UE promet enfin 600 milliards de dollars d’investissements aux États-Unis, dont beaucoup sont déjà en cours.

Donald Trump peut ainsi réaliser son objectif de rééquilibrer le commerce avec l’Europe. Le déficit américain sur les biens atteignait l’année dernière près de 200 milliards d’euros, dont 84 milliards avec l’Allemagne et son industrie automobile. Mais les États-Unis étaient dans le même temps excédentaires de 148 milliards sur les échanges de services, notamment grâce à leurs géants du numérique.

La fable des trois caïds

L’économie européenne peut perdre sur deux autres terrains. La baisse de la valeur du dollar face à l’euro renchérit les produits européens, rendus moins compétitifs face aux produits libellés en dollars, qu’ils soient américains ou non. Et des droits de douane unilatéraux, souligne le président de France Industrie Alexandre Saubot, peuvent inciter les entreprises européennes à transférer outre-Atlantique les usines qui tournent aujourd’hui en Europe pour le marché américain.

Il y a un mois, aux Rencontres d’Aix, le ministre de l’Économie Éric Lombard contait cette fable : « Imaginez le monde comme une cour de récréation où tout le monde joue à la marelle avec des surveillants et en respectant les règles. Et il y a trois caïds qui arrivent et qui ne respectent plus aucune règle, qui font tomber les tables de jeux, qui bousculent les enfants qui jouaient sagement. » Les trois caïds sont évidemment les États-Unis, la Russie et la Chine. Les États-Unis dictent leur loi commerciale, la Russie menace toujours d’une guerre au-delà de l’Ukraine, et la Chine vient de prétendre qu’elle n’est pour rien dans le déficit commercial abyssal de l’Europe…

Quels sont les secteurs concernés (ou non) par l’accord ?

Aéronautique

Depuis mars, une surtaxe de 50 % s’appliquait sur les importations d’aluminium et d’acier, matériaux phares de l’aéronautique. Et l’ensemble des équipements (dont les avions) importés d’Europe devaient s’acquitter d’une surtaxe de 10 %. L’accord annoncé dimanche prévoit de ramener à zéro les taxes sur les équipements d’aéronautique.

Les transports

La taxation de l’automobile européenne redescend à 15 %, au lieu de 2,5 % avant l’administration Trump 2 et contre 27,5 % depuis avril. Après la surtaxe de 25 %, les livraisons de Volkswagen avaient reculé au premier semestre.

Les médicaments

Jusqu’ici exemptés de droits de douane, ils ne bénéficieront pas de traitement particulier, a prévenu Donald Trump dimanche, sans toutefois donner davantage de précisions. Les produits pharmaceutiques sont les produits aujourd’hui les plus exportés depuis l’Europe vers les États-Unis, pour près de 120 milliards d’euros en 2024 (22,5 % du total des biens exportés), selon Eurostat.

Luxe et cosmétiques

Le luxe ne devrait pas faire l’objet d’un régime d’exception, le 15 % devraient donc s’appliquer. Pour LVMH, un droit de douane de 15 % « serait un bon résultat », avait estimé jeudi sa directrice financière, le groupe estimant pouvoir compenser par une hausse de prix et une « optimisation de production », notamment aux États-Unis, où il réalise un quart de ses ventes.

Produits agricoles

Certains produits agricoles seront exemptés de taxation à 15 % mais aucune précision n’avait été fournie. L’Europe espère que les spiritueux soient bien exemptés. Des doutes concernant le vin qui pourrait être taxé persistaient lundi.