«Pour nous, c’est clairement une structure d’extrême droite. » Benoit Kubiak, ingénieur à Etang-sur-Arroux, en Saône-et-Loire, est inquiet pour son territoire. A la rentrée prochaine doit s’ouvrir un nouveau collège, le Cours Vauban, avec deux classes de 6e et de 5e. Un projet qui suscite de nombreuses oppositions à cause de l’origine de l’un des financeurs, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin. Celui-là même qui a lancé un projet politique baptisé « Périclès » visant à l’union de la droite et de l’extrême droite.
Le Cours Vauban fait partie des très nombreux projets reliés à l’éducation que finance Pierre-Édouard Stérin. Soit directement, comme son académie en Sologne gérée par des entités créées par le milliardaire ; soit indirectement comme l’est le Cours Vauban, qui appartient à une structure indépendante – Excellence Ruralités – fondée par Hervé Catala et Jean-Baptiste Nouailhac.
Des professeurs éducateurs qui mangent avec les élèves
L’idée de ces deux hommes : offrir une solution contre le décrochage scolaire dans les territoires ruraux, en partant du constat que « neuf des dix départements où les jeunes ont les plus grandes difficultés de lecture se trouvent en zone rurale », argumente le site Internet de la structure. Pour ce faire, Excellence Ruralités compte notamment sur des petits effectifs – 15 enfants par classe maximum – et des professeuses et professeurs qui sont en même temps des éducateurs. Ces derniers sont censés organiser sorties, voyages et tournois sportifs avec les élèves et déjeunent au moins deux fois par semaine avec leurs classes. Les frais de scolarité sont en moyenne de 50 euros par mois.
Jusqu’ici, rien qui dénote une particulière affiliation à l’extrême droite ou aux valeurs traditionalistes défendues par Stérin en Sologne. Mais certains éléments alertent les connaisseurs et connaisseuses. Comme le fait qu’Excellence Ruralités soit hébergée par la Fondation pour l’école, créée par une figure de La Manif pour tous. Et qu’elle soit financée, outre par la Fondation du Bien commun de Pierre-Édouard Stérin, par des fondations anti-IVG et par la Fondation Stanislas, liée à l’établissement ultra-conservateur du même nom, comme l’a relevé Mediapart et comme le prouve le bilan d’activité 2024 d’Excellence Ruralités. Ou encore le fait que ce projet s’appuie, d’après le site d’Excellence Ruralités, sur « l’anthropologie classique issue de la culture grecque et chrétienne », que le port de l’uniforme est de rigueur et que l’enseignement de l’Histoire de France doit transmettre aux élèves « l’amour de leur pays ».
Un directeur lié à une structure de Stérin
« Il n’y a rien de confessionnel. L’héritage grec a été repris par les chrétiens et poursuivi par les philosophes du Moyen Âge », justifie Jean-Baptiste Nouailhac. Quant à l’amour du pays, le cofondateur d’Excellence Ruralités estime que le sujet est davantage « la fierté du territoire local » : « Nos élèves ont intériorisé l’idée que l’Aisne, c’est pourri. Nous voulons juste qu’ils n’aient pas honte de venir d’où ils viennent », plaide-t-il, dans une logique de redonner confiance à des élèves en grandes difficultés.
Que dire du fait que le directeur bénévole du développement d’Excellence Ruralités est également membre de la gouvernance des Nuits du bien commun, qui distribue l’argent de Stérin ? Et du financement octroyé par le fonds du milliardaire ? Jean-Baptiste Nouailhac tient à minimiser son impact : « C’est environ 12 % de notre budget annuel 2025. Mais il n’y a aucune participation à notre gouvernance. Nous existons depuis 2017, et cela fait seulement un an et demi que nous sommes soutenus par le Fonds du bien commun. Et nous faisons ce que nous pouvons pour obtenir d’autres financements. »
Ce diplômé d’une école de commerce préfère mettre en avant les bons résultats de ses écoles et notamment de la plus ancienne, le Cours Clovis. Selon lui, les élèves y arriveraient en CP « avec un niveau inférieur à la moyenne des élèves des réseaux prioritaires Rep + » et sortiraient en CM2 avec « un niveau supérieur à la moyenne nationale ».
Pétition et mobilisation
Pas de quoi convaincre Benoît Kubiak, encarté chez Les Ecologistes et qui mène la bataille contre le cours Vauban avec le collectif Morvan Mobilisation Solidaire, monté en 2024 pour répondre à la montée de l’extrême droite en milieu rural. Lui et d’autres personnes ont fait irruption dans une réunion organisée en avril sur le Cours Vauban avec des membres d’Excellence Ruralités et alertent depuis sur ce qu’ils estiment être un danger.
Ils s’inquiètent entre autres de voir ce type d’écoles faire concurrence au public et accélérer le mouvement de fermeture d’écoles en zone rurale. Et préviennent que les élèves en situation de handicap inscrits au cours Vauban ne pourront pas bénéficier de l’accompagnement d’un AESH (accompagnant d’élève en situation de handicap) du fait du statut hors contrat du collège. « Vouloir répondre aux besoins d’élèves en difficulté par quelques gadgets pseudos pédagogiques, des uniformes, des levers de drapeaux et une vision de l’éducation tout droit sortie de la troisième république, c’est jouer aux apprentis sorciers sur le dos des enfants et de leurs familles », attaquent-ils. Le collectif a lancé une pétition et a organisé son université d’été ce dimanche sur le thème « extrême droite, éducation et territoires ruraux ».