Par
Adrien Filoche
Publié le
29 juil. 2025 à 11h41
Lui raconte n’avoir eu qu’un simple rôle de « livreur ». Le 28 juillet 2025, un homme de 33 ans a comparu devant le tribunal de Rouen (Seine-Maritime) pour des faits d’escroquerie en bande organisée. Dans cette histoire, les particuliers escroqués, des personnes âgées dans certains cas, ont vu leur compte bancaire piraté et vidé. Le préjudice global est estimé à près de 650 000 euros. À chaque fois, un même procédé bien huilé.
Une concession près de Rouen arnaquée, le départ de l’enquête
Au total, la cour a recensé neuf faits commis dans toute la France sur la période de février à mai 2025, dans les régions de Montpellier, de Bordeaux, à La Grande-Motte dans l’Hérault, mais également en Seine-Maritime.
Plus d’une vingtaine de victimes sont inscrites dans ce dossier, des particuliers escroqués mais également des sociétés de concessions de véhicules, dont la société 3B Can-Am Normandie, située à Déville-lès-Rouen. C’est d’ailleurs le directeur de cette concession qui a permis la première avancée de l’enquête.
Le 14 mai 2025, le directeur de l’entreprise normande contacte la police. Il indique qu’il était en liaison depuis plusieurs jours avec un client pour l’acquisition de deux jet-skis. Une vente à hauteur de 60 000 euros.
Le client s’est présenté ce même jour pour récupérer les véhicules. Lors de l’achat, le directeur remarque un homme particulièrement « pressé et méfiant ». Prudent, le vendeur place alors un dispositif de géolocalisation sur l’un des jet-skis. Trois jours plus tard, un autre virement est effectué pour l’achat d’un troisième véhicule.
Quelques jours après ce troisième achat, un couple contacte le vendeur, se présente sous le même nom que l’acheteur, et indique ne pas être à l’origine de l’acquisition. Les époux expliquent que leur compte bancaire a été piraté.
Les policiers découvrent des escroqueries dans toute la France
Au fil des investigations, l’individu qui s’est présenté à la concession est identifié : Fabrice*, un homme de 33 ans. Les enquêteurs découvrent alors des escroqueries similaires dans d’autres départements. À chaque fois, l’homme utilise des fausses cartes d’identité. Mais ce n’est pas lui qui est à l’origine des virements.
Début mai, avant l’histoire de Déville-lès-Rouen, quatre virements avaient été effectués auprès de la société New Jet Racing, une concession située dans l’Oise, pour l’achat de jet-skis. Les policiers identifient là encore une victime dont les comptes bancaires ont été piratés, mais cette fois-ci le « livreur » n’avait pas eu le temps de récupérer les véhicules.
Le 22 mai 2025, un commissariat dans le Val-de-Marne remarque des faits d’escroquerie avec le même mode opératoire.
Au total, neuf concessionnaires sont identifiés dans toutes la France, ainsi qu’une douzaine de particuliers dont les comptes bancaires ont été piratés et vidés.
Il récupérait les véhicules et les livrait en région parisienne
Le 18 juin 2025, l’homme qui récupérait les véhicules frauduleusement achetés est interpellé à Chelles, en Île-de-France. Dans le monde professionnel, il travaillait comme chef de chantier depuis six ans dans une société de désamiantage.
Il explique aux enquêteurs qu’il a été contacté en janvier 2025 pour « récupérer des courses ». Avant chaque livraison, il recevait une fausse carte identité, avec un téléphone portable et le numéro de la concession. Le prévenu explique qu’il réceptionnait simplement les véhicules et qu’il les livrait ensuite en région parisienne. Il prenait 300 euros par véhicule.
Notamment grâce au dispositif de géolocalisation placé par le directeur de la société 3B Can-Am Normandie, un jet-ski est retrouvé en Espagne auprès d’un loueur saisonnier, « défavorablement connu de la police », comme le présente le président de la cour du tribunal correctionnel de Rouen.
Au tribunal, le prévenu évoque « plusieurs commanditaires », mais se mure dans le silence lorsqu’on lui demande de citer des noms. À ce jour, il est le seul membre du réseau d’escroquerie à avoir été interpellé.
Un préjudice estimé à plus de 650 000 euros
Sur neuf faits d’escroquerie, il reconnaît sa participation à huit d’entre eux. Au total, le préjudice pour les concessions et les particuliers dont les comptes ont été piratés, est estimé à près de 650 000 euros.
« L’infraction d’escroquerie est caractérisée », appuie le procureur de la République, estimant que le prévenu « minimise » son rôle dans cette affaire. Lors de ses réquisitions, il réclame une peine d’emprisonnement de trois ans, assortis d’un an de sursis.
Du côté de la défense, on déplore un dossier « ni fait ni à faire », estimant que la plupart des parties civiles ne pourront pas être indemnisées car « les commanditaires n’ont pas été interpellés ». L’avocate, qui n’émet pas de doute sur la culpabilité de son client, estime qu’il risque de « porter l’intégralité de la responsabilité alors que c’était uniquement un transporteur ».
Après en avoir délibéré, le tribunal de Rouen a déclaré le prévenu coupable des faits d’escroquerie et l’a condamné à une peine* de trois ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis. Sa peine d’un an ferme sera effectuée sous bracelet électronique.
*Le prénom a été modifié
**Cette peine est susceptible d’appel. Tout justiciable demeure présumé innocent tant que toutes les voies de recours n’ont pas été épuisées
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