Ce samedi des qualifications MotoGP à Brno restera gravé
dans les mémoires. Marc Marquez, victime d’une chute dans son
dernier tour lancé, se retrouve sans moto. C’est alors que Pietro
Bagnaia, père de Pecco, surgit sur un scooter pour le ramener au
stand. Un geste simple, instinctif, mais profondément symbolique.
Dans cette interview, Pietro revient sur ce moment inattendu… et
sur tout ce qui a construit son fils, depuis les premières roues
jusqu’au sommet du MotoGP.

« Pecco me demandait chaque jour de faire de la moto »,
se souvient Pietro. « Même quand il ne pouvait pas, il
prenait son vélo en faisant semblant
. Il était fasciné par
l’odeur, l’air, le bruit. Jamais intimidé. Même les chutes ne le
freinaient pas. Il tombait, se relevait. »

Les souvenirs remontent vite. Le Superbike à la télé, les héros
de l’époque. « Il adorait Bayliss… mais surtout un
pilote qui portait le numéro 41
. Je crois que c’était à
Laguna Seca. Pecco en parlait sans arrêt. Il l’a même choisi pour
sa minimoto. »

« Un jour, j’ai vu une invitation de la fédération italienne
pour tester des mini-motos, près de chez nous, à Pistina. On y est
allés… et il est devenu fou ! Il était dans son
monde
. »

Très vite, une course locale est organisée. Pecco insiste :
« Papa, je veux y participer. » Pietro accepte.
« À ce moment-là, je ne pensais pas du tout à une carrière.
Pour moi, c’était du jeu. Il fallait le soutenir, lui
apprendre à croire en lui
, pas à lui faire porter un rêve
d’adulte. »

Pietro Bagnaia

Pietro Bagnaia :
« je ne crois pas à ces parents qui disent : « Mon
fils sera pilote. » Ce n’est pas
sain »

Ce
championnat
? Une pépinière de talents. «
Il y avait Di Giannantonio, Bezzecchi, Migno, Marini,
Enea…
Une génération incroyable. Ils se battaient déjà
entre eux, mais dans le respect et l’insouciance. »

Mais Pietro insiste : « je n’ai jamais pensé qu’il
deviendrait pro. Zéro. Je ne crois pas à ces parents qui disent :
« Mon fils sera pilote. » Ce n’est pas sain. Il
faut que l’envie vienne de lui
. »

« Un jour, Pecco m’a surpris. Il avait préparé la
valise tout seul pour partir courir
. C’est là que j’ai
compris que ça le faisait vibrer. Il n’avait peur de rien, même pas
d’aller en Espagne, dans un championnat inconnu. »

C’est là qu’il croise Emilio Alzamora,
ex-manager de
Marc Marquez
. Pietro s’en souvient avec
émotion : « Emilio est un seigneur.
Un professionnel. Il a tout appris à Pecco : gérer la pression,
penser en pilote, mais aussi rester un être humain. Il lui a
transmis une méthode. Il ne lui a jamais mis de pression,
seulement des outils
. »

Et ce fameux tour en scooter alors ? « Ramener Marc ?
C’était normal. On est tous dans ce monde ensemble. Quand j’ai vu
qu’il était à pied, j’ai réagi comme un père, pas comme un fan ou
un adversaire. Je l’ai ramené. Pecco l’aurait fait
aussi
. »

Et il conclut sur
motosan
avec humilité : « ce n’est pas une question de
rivalité, c’est une question d’éducation. Pecco
aime la course. Moi, j’ai juste essayé de lui apprendre à
aimer aussi les gens
. »

Souvent dans l’ombre, Pietro Bagnaia est
aujourd’hui sous les projecteurs… et il incarne à merveille cette
idée qu’un champion ne se construit pas seul. Derrière un casque,
il y a toujours une famille. Parfois, un père sur un scooter.

Pietro Bagnaia