Depuis le 26 juillet, et jusqu’au vendredi 1er août, la partie publique de l’abbaye de Lagrasse est le cadre d’un Banquet consacré au thème du « Choix des corps ». Un sujet qui, entre conférences, lectures et ateliers, traduit l’ambition de l’événement lancé en 1995 : permettre, autour du livre et de l’écrit, les rencontres, débats et découvertes.
Trente ans de rencontres. De découvertes. De dialogues. Depuis le samedi 26 juillet, et jusqu’au vendredi 1er août 2025, Le Banquet du livre d’été de Lagrasse vit la 30e édition d’un événement initié en 1995 par l’association Le Marque-Page et les éditions Verdier. Un anniversaire que l’établissement public de coopération culturelle (EPCC), désormais aux manettes du Centre culturel de rencontre (CRC, label attribué par le ministère de la Culture) « Les arts de lire », a choisi de marquer.
Chaque jour, l’historien et archiviste Yann Potin livre ses impromptus dans des lieux symboliques de l’histoire du Banquet : autant d’espaces qui matérialisent le lien tissé entre le Banquet et le village, des lieux où 500 intervenants et des milliers de participants ont partagé cette aventure littéraire, créant cette « cartographie imaginaire et collective ». Une géographique poétique d’un Banquet qu’Hervé Baro, le vice-président du Département et président de l’EPCC, inscrit dans « une démarche de culture populaire. On entend trop souvent les mouvements réactionnaires parler de culture élitiste. L’EPCC est ancré dans le territoire, et on voit que du public local participe aussi au Banquet ». En 2024, 3 500 spectateurs (9 900 tickets vendus) avaient pris part au Banquet : « Même tendance en 2025 », estime le directeur du CCR, Jean-Sébastien Steil.
À droite, le directeur du Centre culturel de rencontres « Les arts de lire », Jean-Sébastien Steil, présentant la performance des poètes sourds Erwan Nomad et Arnoldas Matulis.
L’Indépendant – L’Indépendant
Autre témoignage des 30 années passées, avec le recueil « Trente et une vues sur le Banquet », chez Verdier : 31 vues, 31 voix, 31 témoins qui racontent et se souviennent de « leur » Banquet. La 30e édition coïncide aussi avec le lancement d’une nouvelle collection baptisée « Les arts de lire », en coédition avec le CCR, chez l’historique artisan du Banquet, pour coucher noir sur blanc les mots et ouvrages nés du rendez-vous : avec pour deux premiers titres les textes tirés des conférences de Laure Murat (« Toutes les époques sont dégueulasses », Banquet 2024) et Léonor de Récondo (« Goya de père et fille », Banquet 2023).
La question du corps est éminemment politique
Une façon de plus de rester fidèle à l’ambition du Banquet, rappelle Jean-Sébastien Steil : « Diffuser des idées par le livre. » Pour échanger, débattre, s’enrichir. Avec un thème 2025, « Le choix des corps », pensé pour « ne pas être que dans la réflexion cérébrale ». Samedi 26 juillet, c’est à la « performeuse suspensive » Chloé Moglia qu’est revenu le spectacle d’ouverture du Banquet, quand l’ancien cycliste Olivier Haralambon, devenu auteur et philosophe, partageait le dimanche ses pensées et écrits autour du corps et de l’effort. Deux portes d’entrée pour une « question du corps qui est éminemment politique », rappelle Jean-Sébastien Steil : le terrain d’une « confrontation idéologique », entre « deux visions du monde, que l’on peut schématiser par une opposition entre l’osbcurantisme et le progressisme ». Contrôle ou libération du corps, norme ou diversité, féminisme, vieillissement, racisme, sport, esthétique, le champ des possibles débats ou interrogations est vaste. Dans le cellier de l’abbaye Sainte-Marie de Lagrasse, la foisonnante et éphémère librairie d’Ombres blanches dit d’ailleurs la richesse du sujet, au gré des tables réunissant les ouvrages, et déclinant les façons d’écrire sur le corps : « Corps au travail », « Corps colonisés », « Corps contrôlés », « Corps dansants », « Désir de sexe », « Naître, vieillir, mourir ».
Voilà les terrains de jeu qu’explorent donc les intervenants du 30e Banquet. Avec, lundi 28 juillet, une journée dédiée à la culture sourde, un sujet que le CCR explore toute l’année avec l’association Art Résonances. Un thème magnifié par la performance, sous la Halle de Lagrasse, d’Erwan Nomad et Arnoldas Matulis, poètes sourds. Venus livrer, avec le Visual Vernacular (VV), un art visuel mêlant langue des signes et techniques de mime, des écrits créés en résidence à l’abbaye, en mai 2025. La rencontre des corps et des mots, pour un langage universel.
L’intégralité du programme est à découvrir sur le site de l’abbaye médiévale de Lagrasse. L’édition 2025 s’achèvera par la conférence de l’historien Patrick Boucheron, « Nos corps politiques » (parvis de l’abbaye, 19 h, payant), suivi d’un Pique-nique-boum (20 h 30, Parc de l’abbaye, gratuit).