Par
Emma Derome
Publié le
29 juil. 2025 à 7h32
Peut-être les écoutez-vous le matin avant d’aller travailler, le week-end à l’heure du déjeuner, ou le soir en rentrant du sport : les radios associatives nantaises, comme Radio Prun, Jet FM, Euradio Nantes, SUN, Radio Fidélité ou encore AlterNantes FM, sonnent l’alerte.
Dans un recours commun avec d’autres radios régionales, elles ont saisi la justice administrative contre la Région Pays de la Loire. On vous explique pourquoi.
Des budgets amputés de 232 500 €
On le sait depuis la fin de l’année 2024, le budget Culture de l’institution dirigée par Christelle Morançais (LR) a été sérieusement raboté pour 2025. Mais en plus de supprimer entièrement ses aides aux radios locales en 2025, la Région est accusée de ne pas avoir respecté ses engagements budgétaires de 2024, en votant a posteriori, début 2025, une baisse d’environ 70 % de l’enveloppe promise aux associations pour l’année précédente.
« La Région a décidé de modifier arbitrairement les règles et de diviser les aides par trois » en 2024, écrivent dans un communiqué les 12 radios qui participent au recours, dont certaines se situent aussi en Mayenne, dans le Maine-et-Loire ou en Vendée.
« Ce règlement, parfaitement transparent, est en place depuis 15 ans. Mais il a été modifié en début d’année, du jour au lendemain, et sans nous avertir », étaye Hélène Lévêque, directrice adjointe d’Euradio Nantes, qui voit son enveloppe régionale se réduire à un quart de la somme prévue dans son budget prévisionnel. « Cela a eu des conséquences directes et palpables, puisque nous avons perdu huit fréquences faute de budget pour les assurer, comme celle d’Angers ou de La Roche-sur-Yon. Un réseau qui a mis des années à se construire. Pour nous, c’est une véritable désillusion. »
« Ça a été le coup de grâce »
Certaines radios n’ont eu d’autre choix que de supprimer des emplois, comme Jet FM, basée à Saint-Herblain. « Nous avions des fragilités budgétaires préexistantes, mais cette annonce, si brutale, a été le coup de grâce », nous explique Valentine Chevalier, sa coordinatrice. Son équipe est passée de sept à trois salariés en l’espace d’une année.
« Il y a un monde entre se désengager pour l’année suivante, ce qu’à la rigueur on peut entendre, et retirer des financements sur lesquels on comptait. » La radio a touché 3 000 euros sur les 12 000 euros attendus. Un constat partagé par Simon Marty, le directeur de Radio Fidélité, aussi touchée mais dans une moindre mesure, par la baisse des fonds.
C’est comme si votre banquier acceptait votre crédit, mais qu’une fois la maison achetée, il revenait vers vous pour dire que ce n’est plus possible.
Simon Marty, directeur de Radio Fidélité
Dans leur recours, les radios demandent le réexamen de la situation des radios associatives et le versement des 232 500 € prévus pour 2024. De son côté, la Région estime que « les subventions peuvent être retirées en fonction des priorités budgétaires ».
« Que les priorités changent, c’est une chose, mais il faut prévenir les acteurs qui sont en place ou on les déstabilise immanquablement », ajoute Simon Marty. « Si cette annonce était intervenue il y a deux/trois ans, à un moment où Radio Fidélité avait mal anticipé un gros trou d’air au niveau des dons, on aurait mis la clé sous la porte. »
Un recours symbolique
Aujourd’hui, c’est Jet FM qui est particulièrement en difficulté : la radio n’a plus de rédacteur en chef ni de technicien, ne prend plus de stagiaire, et se repose beaucoup sur ses bénévoles.
« Toute la manière de travailler sur les émissions a été repensée, l’activité d’éducation aux médias va drastiquement diminuer et se concentrer sur le quartier de Bellevue. Il faut renflouer les caisses », déplore Valentine Chevalier.
Aucune des radios interrogées n’espère vraiment recouvrer les fonds manquant, mais toutes ont quand même choisi de participer à ce recours avant tout symbolique. « La façon dont cela a été fait en dit beaucoup sur la manière dont on considère le secteur associatif en général », abonde-t-on chez Jet. La décision de la Région n’affecte en effet pas seulement les radios, mais aussi d’autres acteurs culturels, comme les théâtres.
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L’État mettra-t-il les radios au pied du mur ?
Même si ce recours abouti, la menace gronde d’autre part. Car les stations dépendent des collectivités territoriales, mais aussi de l’État. Le Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER) a déjà été menacé par le projet de loi de finance du gouvernement Barnier, avant le remaniement.
Et les économies annoncées par le gouvernement Bayrou ces dernières semaines font craindre de nouveaux coups de rabots dans une enveloppe qui fait figure de source première de revenu pour certaines radios.
Si on enlève le FSER, on met à terre une bonne partie des radios associatives du territoire.
Simon Marty, directeur de Radio Fidélité.
Les coûts élevés et incompressibles d’une radio (matériel sonore et émetteur radio à renouveler, connexion en streaming, Sacem, salaires, etc.) sont leur principale source de fragilité. Il faut par exemple à Radio Fidélité un minimum de « 30 euros chaque heure de chaque jour de l’année » pour émettre.
Ces médias de proximité, qui ont une importance non négligeable dans les territoires, sont désormais obligés de diversifier au maximum les sources de financement, en intégrant notamment du privé (prestations de services, mécènes, dons…).
«Jusqu’ici, on avait des institutions locales relativement engagées à nos côtés », rappelle Simon Marty. Pour le moment, la ville de Nantes fait figure d’exception dans ce sombre tableau.
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