Une salve de propagande à laquelle il est impossible d’échapper a préparé le terrain. Partout sur les réseaux sociaux, le long des routes, sur les immeubles et les arrêts des transports en commun, les mêmes affiches. Elles brocardent le triumvirat qui, assurent les autorités, œuvre en coulisses pour imposer l’entrée expresse de l’Ukraine dans l’Union européenne, dans le dos des peuples européens. Il s’agit des présidents de l’Ukraine, de la Commission européenne et du Parti populaire européen, la première force politique de l’Union – respectivement Volodymyr Zelensky, Ursula von der Leyen et Manfred Weber. « Nous ne les laisserons pas décider par-dessus nos têtes », proclament les affiches.
Juste avant la présidence hongroise, l’UE ouvre les négociations d’adhésion avec l’Ukraine
Jusqu’au retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les Etats-Unis étaient le pays honni. C’est aujourd’hui l’Ukraine qui tient ce rôle dans les médias du pouvoir. Ministres et secrétaires d’Etat se relaient pour asséner que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE ferait la ruine de la Hongrie et de l’Europe entière. Balázs Hidvéghi, secrétaire d’État au cabinet du Premier ministre, s’est emporté dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux : « La pègre ukrainienne se déchaînerait en Hongrie, alimentant criminalité, trafic d’armes et de drogue […] ; le système de retraite serait bouleversé, sans parler des épidémies importées qui mettraient en danger les enfants et les personnes âgées ».
Les élections législatives sont dans un an tout juste et les craintes des Magyars vis-à-vis de ce grand voisin oriental – six fois plus grand et quatre fois plus peuplé – sont pour le gouvernement de Viktor Orbán un levier à exploiter. La Hongrie redoute en particulier la concurrence agricole de l’Ukraine, dont elle a pu avoir un avant-goût amer lorsque, il y a deux ans, les « corridors de solidarité » européens ont déversé des céréales moins chères sur l’Europe centrale.
La population hongroise est divisée face à la perspective d’un élargissement de l’UE à l’Ukraine. Selon l’institut de sondage Medián, 55 % des Hongrois s’y opposent, tandis que, selon l’institut Republikon, 46 % y sont défavorables. Les partisans du Fidesz au pouvoir sont résolument contre, tandis que ceux de Péter Magyar, grand rival de Viktor Orbán, sont majoritairement pour.
Le conservateur de 44 ans a quitté le Fidesz au début de l’année 2024, a récolté plus d’un million de réponses à une consultation menée par son parti Tisza. Il en ressort que 58 % des répondants sont en faveur de l’Ukraine dans l’UE. Depuis qu’une eurodéputée de Tisza a commis la maladresse de sembler se réjouir de ce que le gel de milliards de fonds européens appauvrit les Hongrois et favorise l’opposition, un tsunami de propagande s’abat sur lui.
Peter Magyar, le renégat en croisade contre Viktor Orban
Une pétition lancée par un obscur « mouvement de la résistance nationale » et relayée par les ténors du Fidesz dénonce « une conspiration entre Bruxelles et Tisza contre les Hongrois ». Selon celle-ci, l’UE ruinerait l’économie hongroise au profit de l’opposition qui, une fois au pouvoir, pourra servir les intérêts bellicistes de « Bruxelles » et favoriser l’adhésion de l’Ukraine. Le Premier ministre Viktor Orbán y est aussi allé de son refrain complotiste dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Les influenceurs de Megafon, une puissante société de communication liée au Fidesz, inondent facebook d’un grossier fake figurant Péter Magyar brandissant un drapeau ukrainien. Ce drapeau jaune et bleu qui, aux yeux du Fidesz, est un repoussoir.