C’est par ici que se montre la sécheresse. Sous des abords verdoyants, à l’ombre des aulnes, le Réal-Martin est une rivière fragile. Après des semaines de chaleur, elle coule, fluette, sur les pentes du massif des Maures. Son débit est méthodiquement surveillé. « 75 litres par seconde, c’est quand même bas pour un milieu d’été. D’habitude, nous avons plutôt cette valeur à la fin du mois d’août », observe Aurélien Boeri, animateur au syndicat mixte du Bassin-versant du Gapeau.

La rivière émerge à Pignans et reçoit l’eau d’une multitude de ruisseaux dans les vallons boisés. À mi-chemin vers sa confluence avec le Gapeau, les rives encore naturelles offrent un bon point d’observation. Fixé à un pont, un capteur dirigé vers la surface mesure la hauteur de l’eau. Tout près, une centrale de télétransmission envoie les données, quasiment en temps réel.

Du risque d’inondation… au diagnostic de sécheresse

Pensé pour alerter sur l’imminence d’une inondation en aval, pour des quartiers de Pierrefeu, le dispositif est un précieux baromètre sécheresse. Il permet aux autorités départementales de jauger de la nécessité de déclencher une alerte, quand la ressource s’amenuise durablement.

« Les sources du Réal-Martin s’épuisent depuis début juillet, même s’il a bien plu au printemps, décrit Aurélien Boeri. Nous approchons de ce qu’on appelle le débit biologique, qui est à 65 litres par seconde. » Ce volume d’eau représente « la quantité minimale nécessaire pour que les écosystèmes puissent vivre sans tension ».

Rester au-dessus de ce seuil n’est pas toujours possible. Sur le Réal-Martin, il a été franchi à huit reprises depuis 2015. Sur le Gapeau, c’est encore plus. Le fleuve côtier s’est retrouvé en dessous du seuil biologique chaque année depuis une décennie. Le plus souvent cela se produit en août ou septembre, mais aussi en novembre (en 2016), ou en mai (lors de la terrible sécheresse de 2022).

Même si l’année 2025 a été généreusement arrosée, le Réal-Martin ne cesse de frôler le seuil d’alerte depuis plusieurs semaines. Avec un effet sur notre approvisionnement en eau douce. « Les cours d’eau du Réal-Martin et du Gapeau sont directement en lien avec la nappe souterraine, qui est exploitée pour l’eau potable. Tout ce qui coule ici a une influence. »


Une trentaine de canaux sont répertoriés dans le secteur du Gapeau, jadis pour un usage agricole.
Photo Camille Dodet Photo Camille Dodet.

Un quart de l’eau potable

Qui puise dans cette eau? Chaque année, 26 millions de mètres cubes sont prélevés dans le bassin-versant du Gapeau. Sur ces terres encore largement cultivées (maraîchage, fleur coupée, vignes), une grande part va à l’agriculture, avec de grandes variations saisonnières. Pendant la période estivale, l’irrigation devient « prépondérante » – via des canaux qui ont été creusés et construits aux siècles passés. Le plus gros des prélèvements se fait par les canaux (lire par ailleurs).

La consommation humaine elle, représente un quart de ce qui est pompé dans le milieu nature. Selon le syndicat mixte du Bassin-versant du Gapeau, l’eau potable consommée localement provient à 65% des captages dans la nappe alluviale. Tous les affluents du Gapeau, dont le Réal-Martin, alimentent ces eaux souterraines.

Les rivières sont absolument indispensables à l’eau qui coule dans nos tuyaux et à nos robinets.

Économies d’eau, pourquoi les canaux sont concernés

Dériver de l’eau grâce à un canal est une pratique historique le long des rivières. Dans le bassin-versant du Gapeau, ces prises d’eau représentent 19 millions de mètres cubes, soit 73% des prélèvements. « Ces ouvrages sont nécessaires, on en a besoin, mais on connaît mal la répartition des usages », analyse Aurélien Boeri. L’urbanisation a beaucoup gagné. On estime que seulement 30% de cette eau est utilisée dans le cadre d’une activité agricole.

Le reste serait à chercher du côté des usages plus récréatifs, arrosage des jardins, remplissage des piscines et autres. « La marge de manœuvre est là, car certains droits d’eau anciens sont supérieurs au débit des cours d’eau. En période de sécheresse, nous devons faire des choix. »

Un travail de régulation a été entamé en 2020, pour que les utilisateurs des canaux se rassemblent dans des structures associatives. C’est le préalable à toute gestion concertée de la ressource.

« Notre objectif, en tant que syndicat mixte du bassin-versant est d’arriver à trouver les équilibres. » En laissant la priorité aux usages vraiment prioritaires.