Avec son duel contre Michel Barnier à Paris, Rachida Dati tente un pari risqué à plusieurs inconnues

VINCENT FEURAY / Hans Lucas via AFP

Avec son duel contre Michel Barnier à Paris, Rachida Dati tente un pari risqué à plusieurs inconnues

POLITIQUE – Paris vaut-elle tous les risques ? Passant outre la décision des Républicains, son parti qui a choisi d’investir l’ancien Premier ministre Michel Barnier pour la législative partielle dans la 2e circonscription de Paris, la ministre de la Culture Rachida Dati martèle son intention de se présenter « quoi qu’il arrive ».

Rachida Dati est ministre, maire du VIIe arrondissement et, surtout, candidate pour l’Hôtel de Ville en vue des élections municipales 2026. Alors, à moins d’un an de cette échéance électorale capitale pour elle, pourquoi diantre se présenter dans une circonscription contre un ancien Premier ministre issu du même camp ? Un ex-chef de gouvernement dont elle a, au passage, été la ministre ? L’intéressée a elle-même apporté la réponse : « J’y vais parce que les Parisiennes et les Parisiens doivent comprendre que cette élection ne peut pas servir qu’à porter les ambitions présidentielles de Michel Barnier », cingle-t-elle dans Le Parisien, au moment même où la Commission d’investiture de la droite délibère.

Quid de ses ambitions à elle ? Elles n’ont pas bougé d’un iota. Rachida Dati brigue toujours le fauteuil d’Anne Hidalgo et sa candidature à la législative partielle pourrait bien être un atout… À condition qu’elle ne se retourne complètement contre elle.

Paris à tout prix

Côté pile, elle gagne. Dans un gouvernement Bayrou menacé par la censure à l’automne, la candidature de Rachida Dati pour un siège de députée peut faire office de sortie de secours, autant pour rester dans la vie politique que pour échapper à ses nombreux ennuis judiciaires, persifle la gauche. Une victoire l’imposerait aussi comme la personnalité incontournable à droite pour 2026, faisant taire ceux qui dans son camp grimacent depuis qu’elle a rejoint le gouvernement sous rumeur d’un pacte avec Emmanuel Macron lui-même.

Mais le vrai intérêt est dans le coup d’après : la composition de sa liste pour les municipales. Bien que les deux l’aient démenti, l’accord entre le chef de l’État et la figure de droite stipulait qu’en échange de son entrée au gouvernement, Rachida Dati soit la tête de liste d’une alliance entre la droite et le camp présidentiel. Le compromis fait grincer des dents chez LR, surtout à l’heure où le patron du parti Bruno Retailleau fait tout pour marquer sa différence avec le macronisme. Une victoire dans la circonscription parisienne permettrait à Rachida Dati d’inverser le rapport de force et lui donnerait un atout supplémentaire pour imposer sa liste à son camp.

Quand, comme la ministre de la Culture, on ne goûte guère le compromis, le gain est alléchant. Mais la partie n’est pas sans risque. « Elle dit qu’elle veut l’investiture LR, mais elle vient devant le parti lire sa lettre alors qu’elle a déjà prévenu la presse qu’elle sera candidate. Elle veut le soutien du parti pour les municipales, mais elle fait fi de sa décision et part en dissidence, contre son ancien Premier ministre » , tente de résumer un soutien de Michel Barnier sondé par Le HuffPost, abasourdi par un tel « niveau de drama ». Sans oublier qu’en cas de victoire, Rachida Dati devra démissionner de la mairie du VIIe, cumul de mandats oblige, et aussi expliquer aux électeurs pourquoi, seulement cinq mois après son élection, elle repart déjà en campagne pour un tout autre poste. Pas évident pour celle qui accuse Michel Barnier de candidater à Paris uniquement pour servir « ses ambitions présidentielles ». Instrumentaliserait-elle un mandat national pour servir ses ambitions municipales ? L’argument est tout trouvé pour ses détracteurs.

« Aller très loin dans le bluff, et en faisant tapis »

Côté face, elle perd. Dans le meilleur des cas pour la droite, sa défaite n’entraîne pas celle de Michel Barnier. Dans le pire, la dispersion des voix à droite fait basculer une circonscription dite imperdable vers la gauche. Dans tous les cas, Rachida Dati y perd des plumes. Ou plutôt, de la crédibilité. Car bien qu’elle soit à ce stade, « la mieux placée pour incarner l’alternance » à Paris selon les mots de la commission d’investiture LR, elle n’a pas été officiellement investie par son parti pour autant, malgré les appels en ce sens de figures du parti comme Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand le 28 juillet.

« Rachida Dati est la meilleure candidate pour Paris mais elle ne gagnera pas sans LR », a souligné lors de la commission d’investiture Agnès Evren, présidente de la fédération de Paris, selon des propos rapportés par Le Figaro. Un avertissement que rien n’est joué ? Sur le papier effectivement, la candidature pourrait peser contre elle lors de l’investiture municipale. Et même si elle devient la candidate de LR à Paris, rien n’indique que son camp ne lui ferait pas payer sa désobéissance en lui imposant une liste pas très macron-compatible. Par ailleurs, comment justifier auprès des électeurs le retour d’une étiquette contre laquelle elle s’est élevée avec fracas quelques mois plus tôt ? Quant à compter sur un soutien de Renaissance en guise de lot de consolation, un stratège de la droite balaie « au regard de l’hostilité qu’elle provoque chez eux, et de la coloration plutôt centre-gauche de l’état-major parisien » du parti présidentiel.

Reste encore un tout dernier scénario : celui du bluff pour « mettre la pression sur LR en vue des municipales, ce qui signifierait qu’elle n’irait pas au bout », tâtonne un cadre LR joint par nos soins. Dit autrement : la candidature Dati à la législative n’est qu’une façon de négocier un retrait à ses conditions… Au hasard : la composition de la liste municipale ? Un chantage poussé à l’extrême en quelque sorte. « Mais elle serait allée très loin dans le bluff, et en faisant tapis », poursuit notre source. Rien de vraiment nouveau pour la maire du VIIe arrondissement qui, en 2011, s’était déjà présentée en dissidence contre François Fillon dans cette même 2e circonscription. Avant de se retirer un mois avant le premier tour, « en responsabilité » pour ne « pas ajouter de la division à l’échec en (se) présentant dans la circonscription où (elle est) pourtant légitime. » Le discours est tout prêt à être recyclé d’ici mars 2026.