Tu as fait le choix de signer pour les Girondins alors que tu avais d’autres propositions. Comment l’expliques-tu ?
Je suis très fier d’avoir signé dans un club si historique. En tant qu’amoureux de football, quand tu me parles de Bordeaux je reviens à mon adolescence et l’épopée en Ligue des champions, le titre en Ligue 1 ! Les Girondins, c’est un des plus grands clubs de France. J’ai eu des offres beaucoup plus alléchantes financièrement, mais je n’ai jamais couru derrière l’argent, donc ce choix est logique. Je veux écrire l’histoire et faire partie d’un groupe qui aidera ce club à être là où il mérite. Je pouvais jouer plus haut en France, et surtout je ne comptais pas revenir parce que je me sentais bien à l’étranger. Mais quand Bordeaux vient te chercher, les arguments ne tiennent plus. N2 ou pas, tu fonces. Puis, je sens un club qui me veut, qui fait de son mieux pour m’intégrer. Qu’est-ce que je peux demander de plus ?
J’étais agent de piste à l’aéroport de Nantes et livreur Uber Eats en même temps que je jouais à Bellevue, donc je comprenais que beaucoup ne croyaient plus en moi.
Considères-tu une signature en N2 comme une prise de risque dans ta carrière ?
J’ai pesé le pour et le contre mais franchement, on parle d’histoire. J’ai eu des propositions de clubs ayant gagné la Ligue des champions en Afrique, avec de sacrées sommes. En toute humilité, j’espère me tromper, mais je sais qu’en ne signant pas dans ces clubs africains, je me prive potentiellement d’une Coupe du monde et de plusieurs CAN. Je ne me voyais pas évoluer en N2, mais juste le fait de porter ce maillot et à la fin de ma carrière pouvoir dire à mon fils que j’ai joué pour ce club, c’est beau. Certains y voient une prise de risque, mais je viens ici sur le long terme, on veut voir les choses en grand. Le recrutement est très bon, mais le football c’est sur le terrain, pas sur le papier, donc il faudra assumer notre statut.
𝙉𝙤𝙪𝙫𝙚𝙡𝙡𝙚 𝙧𝙚𝙘𝙧𝙪𝙚 ✍️
Faïssal Mannaï rejoint les Girondins ! Artisan de la montée de Concarneau en Ligue 2, il nous rejoint en provenance de l’US Monastir (Tunisie), où il a terminé meilleur passeur du championnat et décroché une convocation en sélection nationale.… pic.twitter.com/iQ4fK4ELzE— FC Girondins de Bordeaux (@girondins) July 10, 2025
Il y a quelques semaines, tu as participé à la Kings League dans l’équipe de PFUT. Quelle expérience en as-tu tiré ?
Quand je jouais à Monastir il y a un an, je regardais la Coupe du monde de Kings League et je disais à ma femme que j’aurais adoré la jouer. Je suis un fou de football, donc le concept avec les petits espaces, c’est mon truc. Cette année, j’ai eu l’opportunité de la faire. Ça m’a fait du bien de revoir des gens bienveillants, de rigoler, se chambrer, s’amuser. Ils sont tous hyper contents de ma signature à Bordeaux, on est toujours en contact, ce sont mes frères. Puis, il se passait trop de choses drôles dans cette compétition. J’ai joué avec Ryan Babel, qui ne comprenait rien aux règles et aux nombreux arrêts de jeu. Je voyais qu’il s’énervait, je lui disais dans un anglais très mauvais : « Bro, after this, finish ! Just Football. » (Rires.) Il est hyper professionnel ce mec, il aurait pu nous prendre à la légère mais il était à fond.
Il y a six ans tu jouais en R1 à la JSC Bellevue, le club à côté de ton quartier des Dervallières à Nantes. Tu pensais toujours devenir professionnel à ce moment-là, à 23 piges ?
Bien sûr que oui. Même si c’était de la R1, c’était un tremplin. Mes proches me disaient que c’était fini pour moi et que je m’enterrais mais ça me faisait rire, parce que je savais très bien ce que je faisais. Je suis quelqu’un qui est sûr de ses qualités, je vais y arriver peu importe les moyens, c’est ma philosophie. En même temps, j’étais agent de piste à l’aéroport de Nantes et livreur Uber Eats pendant que je jouais à Bellevue, donc je comprenais que beaucoup ne croyaient plus en moi. Je suis un gars qui se nourrit des propos des gens qui pensent que je n’y arriverai pas et de la réussite de ceux que je considère comme mes frères. Je suis le premier heureux quand ils réussissent à atteindre leur objectif. Par exemple, je jouais en jeune avec Mouctar Diakhaby. Je suis heureux de voir la carrière qu’il a. Il m’a donné de la force, je me suis dis que c’était possible donc je me suis accroché. C’était le premier à venir à l’entraînement et le dernier à partir, il était tout le temps à fond. On voit aujourd’hui le résultat, tu ne peux pas tricher dans le football.
À Cholet, j’ai serré la main des joueurs de la N1 comme s’ils étaient Neymar ou Ronaldinho.
Après Bellevue, tu décides d’aller à Cholet, alors en National, mais tu démarres en R1. Avais-tu un plan derrière la tête ?
J’étais sur le tarmac de l’aéroport en train de travailler. Jamais de ma vie entière un club ne m’avait appelé au téléphone, et ce jour-là Challans qui était en N3 m’avait proposé un projet. Au milieu des bruits d’avions qui décollaient, j’avais dis oui, c’était le seul club qui s’était proposé ! Sauf qu’Elvis (Dufraiche), le coach de la R1 de Cholet à l’époque, m’avait demandé de signer avec lui, dans l’idée qu’en étant bon, je pouvais accrocher le National 1. C’était une dinguerie parce que tous les jours je prenais ma voiture pour faire les allers-retours entre Nantes et Cholet pour de la R1. Au bout d’un mois, j’étais monté avec la National et je n’avais plus lâché le groupe.
Quand tu arrives en National 1, te sens-tu à ta place ? Parce que ça vient très vite.
Au bout d’un match joué en R1, Elvis m’avait appelé pour me dire que le lendemain je serai à l’entraînement de la National. Je mangeais une pizza, il était tard, j’avais l’hygiène de vie d’un mec de R1 quoi ! J’ai serré la main des joueurs comme s’ils étaient Neymar ou Ronaldinho. Pendant six mois, je n’ai pas dit un mot dans le vestiaire, j’avais une sorte de syndrome de l’imposteur. Je savais que j’avais largement le niveau pour être avec eux, mais pas le CV. J’étais jeune, ça joue beaucoup. Je me souviens que pour mon premier entraînement, je n’avais pas le droit d’entrer dans le vestiaire, je devais directement aller sur le terrain. Moi qui suis très réservé au départ, ça mettait la pression. Je m’étais entraîné avec angoisse et stress. Puis, très vite, j’ai adoré les séances avec la N1 parce qu’il y avait plus d’espaces, moins de duels et beaucoup de un contre un, tout ce que j’aime. Au bout de quelques jours, j’avais un casier à mon nom, une salle de musculation dans le vestiaire, une vraie cryothérapie… Quand tu goûtes à ça, tu ne veux plus jamais t’en passer. Je ne sortais pas de la salle, j’étais celui qui courait le plus aux entraînements, j’avais trop faim.
En 2021 tu fais le choix de rejoindre Sète en National 1, et là tu commences à te montrer.
Sète croyait beaucoup en moi, je me sentais comme à la maison et important pour leur projet. J’avais marqué pour mon premier match, et le coach me laissait faire ce que je voulais. Je pouvais dans la même rencontre jouer à gauche, à droite, en meneur de jeu… À Cholet, j’avais tellement trop été dans le respect que j’allais tout perdre. Le club m’avait appelé le tout dernier jour du mercato. Cette longue période d’adaptation que j’avais connue à mes débuts en National, je ne l’ai pas vécue dans le Sud, tout était naturel et fluide.
Stéphane Le Mignan m’a appris 80% du football ! Si demain je choisis de faire le métier d’entraîneur, je veux faire un stage à ses côtés.
Un gros moment de ta carrière, c’est la montée en Ligue 2 avec Concarneau en 2023. Tu y joues un rôle important mais pourtant le club ne poursuit pas l’aventure avec toi. Comment le prends-tu à ce moment-là ?
Encore aujourd’hui, je ne le perçois pas comme s’ils ne m’avaient pas gardé. Le coach Stéphane Le Mignan m’aimait beaucoup, il a toujours été honnête et bienveillant envers moi. Le football, ce n’est pas que le terrain. Parfois, il y a des histoires de contrats, par exemple, qui font que tu passes derrière d’autres profils, c’est comme ça. Ce coach m’a appris 80% du football ! Si demain je choisis de faire le métier d’entraîneur, je veux faire un stage à ses côtés. Sans Le Mignan, on ne montait pas cette saison-là, malgré la qualité de notre effectif. En début de saison, personne ne mettait une pièce sur nous. On savait tous au fond qu’on jouait la montée, mais dans le vestiaire on n’en parlait pas. On était leader, mais le coach insistait constamment pour le maintien, c’était sa façon de nous enlever la pression. Parfois, j’étais au club de 10h à 16h, je kiffais trop ma vie. Maintenant, je suis impatient de d’apprendre auprès de Bruno Irlès. On parle d’un coach qui a géré des grands joueurs à Monaco, qui a connu plusieurs montées… J’étais impressionné par sa façon de faire jouer Troyes lorsqu’il était sur le banc.
Contre toute attente, tu rejoins Monastir, en Tunisie, après la Bretagne. Pourquoi ?
Après Concarneau, j’avais des propositions de premier contrat professionnel en France, donc c’était positif mais mon grand frère me boudait, il voulait tellement que j’aille jouer en Tunisie. Puis je n’avais qu’une seule ambition en tête, c’était la sélection tunisienne. Monastir, c’est un club qui allait me permettre d’y arriver, et j’avais raison. Je m’étais imaginé avec de belles sommes en France, mais avec le risque de ne pas être heureux. La Tunisie, c’est les grosses ambiances, un beau cadre de vie, l’équipe nationale qui a un vrai regard sur toi. Si je dis à ma grand-mère que je suis champion de National 1, elle sera contente pour moi. Mais si je lui dis que je suis appelé avec la Tunisie, elle sera la plus fière et la plus heureuse au monde. À Monastir, j’ai terminé meilleur passeur du championnat, les supporters m’aimaient et me soutenaient, j’avais les clefs du jeu. La récompense avait été d’être très courtisé sur le continent et d’avoir été appelé en sélection. J’avais disputé la Coupe Arabe aussi face à Al Nassr. J’avais Ronaldo, Talisca, Telles, Brozović devant moi… Jouer contre CR7 ça ne paraissait même pas réel, c’était très bizarre comme sensation. Il était motivé comme si c’était la finale de la Ligue des champions alors qu’il jouait face à Monastir… Il avait beaucoup trop de prestance.
Ton rêve est devenu réalité la saison dernière avec une première convocation avec l’équipe nationale de la Tunisie. Comment l’as-tu appris ?
On avait match à Sfax, j’étais très malade la veille. Je ne mangeais pas depuis deux jours, je pensais avoir la Covid. Le coach était venu me voir pour me dire que la sélection s’intéressait à moi et qu’il fallait que je sois bon face au CS Sfaxien. Je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité, j’ai joué 70 minutes ce jour-là, sans énergie… Notre gardien Béchir Ben Saïd a dit dans le tunnel : « Aujourd’hui, on joue pour Faissal ! » Je n’oublierai jamais ces paroles, sachant qu’on jouait le titre. À la fin du match, j’ai reçu un coup de fil pour me confirmer ma première convocation. Durant tout le stage en Égypte, j’étais toujours malade, ça ne voulait pas s’arrêter, j’étais dégouté… Je ne pouvais pas en profiter alors que j’attendais ce moment depuis des années. Pour mon entourage, c’était fabuleux, mais ils ne voulaient pas me le faire ressentir pour ne pas me mettre trop de pression. J’ai peut-être reçu 500 messages, c’était incroyable ce qu’il se passait. Le regret c’est de ne pas avoir pu être convoqué pour la CAN alors que j’avais prouvé en club… Tant pis, je suis revanchard, je reviendrai je l’espère.
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