Le mythe du célèbre vampire revu par Luc Besson, un petit voyou taïwanais qui joue sur deux tableaux, un septuagénaire pressé par le temps part à la recherche de son amour de jeunesse… La sélection cinéma du Figaro.

Touch – Nos Étreintes Passées – À voir

Drame de Baltasar Kormákur – 2h01

Voilà un film qui s’impose comme une très jolie surprise au cœur de l’été. Singulière romance islandaise réalisée par le cinéaste Baltasar Kormakur, Touch – Nos étreintes passées prend le temps de scruter à pas comptés les sentiments dans un monde où tout s’accélère. Kristofer est un veuf septuagénaire en bout de course qui vit seul à Reykjavik. Touché par de fréquentes pertes de mémoire, il vient de subir une IRM cérébrale et ne se fait guère d’illusions sur les résultats de ce funeste examen. Kristofer qui se récitait des recettes de cuisine et des haïkus pour entraîner sa mémoire, sent l’urgence lui fouetter les flancs. En simultané, le monde vient d’entrer dans l’ère du Covid-19 et découvre l’angoisse sourde du confinement. Cette atmosphère oppressante, très particulière, oblige également notre grisonnant héros à se concentrer sur l’essentiel : retrouver son grand amour de jeunesse rencontré il y a plus de cinquante ans à Londres. Cette relation amoureuse est mise en scène avec délicatesse, tendresse et sensibilité. Il y a quelque chose de profondément proustien dans ce film intimiste, émouvant et littéraire. O.D.


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Gangs of Taïwan – On peut voir

Drame de Keff – 2h15

Quand le soir tombe, Zhong-Han, paisible employé dans un restaurant de quartier, se transforme en membre d’un gang qui rackette les commerçants de Taïwan. Le film a l’astuce de se situer en 2019, au plus fort des mouvements d’opposition à la Chine. À la télévision, des images montrent les manifestations qui se produisent là-bas. La jeunesse jette à peine un œil sur ces événements, rivée qu’elle est à son téléphone portable. Plutôt que les émeutes, la population s’intéresse à ce nouveau gâteau importé de l’Occident par un pâtissier français, l’éclair taïwanais, symbole de luxe et de singularité. Un promoteur menace de racheter la cantine pour une bouchée de pain. La mafia locale va intervenir. Pendant ce temps, Zhong-Han a rencontré une vendeuse de supermarché à laquelle il cache une partie de la vérité. Il y a du sang et de la sueur. Tout cela tourne rond, classique, à la façon du solide cinoche du dimanche avec un aimable parfum de déjà-vu. Ce récit tourmenté, en zigzags, traversé de bagarres et de silences, parfois répétitif, laisse un peu sur sa faim. É.N.

Substitution – Bring her back – On peut voir

Film d’horreur de Danny et Michael Philippou – 1h39

Sacrés nouveaux petits génies de l’horreur grâce à leur premier long-métrage La main, les frères australiens reviennent avec ce huis clos domestique étouffant, parfois révulsant, qui justifie complètement sa certification interdite aux moins de 16 ans. Au retour de l’école, Piper, qui est malvoyante, et son frère Andy retrouvent le corps sans vie de leur père dans la douche. Étant mineurs, la fratrie est placée chez Laura (Sally Hawkins). Si elle accueille à bras ouvert Piper, l’ancienne assistante sociale est glaciale envers Andy, ado à problèmes. La cohabitation est compliquée encore davantage par la présence d’Oliver. Le garçonnet muet, qui se comporte comme un animal sauvage, a lui aussi été confié à Laura. Son comportement et ses tendances à l’automutilation inquiètent Andy, qui constate la multiplication d’accidents inexpliqués dans la maison. Toujours remarquable, Sally Hawkins (La Forme de l’eau) est stupéfiante dans la peau d’une mère en deuil, dont l’enthousiasme excessif cache quelque chose de brisé, bien plus dangereux et manipulateur. Hélas, cette nuance psychologique et l’atmosphère d’angoisse sourde, si savamment tissée, se diluent dans une cacophonie de scènes de body horror difficilement soutenables, à mi-chemin entre cannibalisme et nécrophagie. À réserver aux amateurs de sensations très gores. C.J.

Dracula – À éviter

Drame fantastique de Luc Besson – 2h09


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Quelques mois seulement après la sortie du Nosferatu de Robert Eggers, Luc Besson revient lui aussi dans les salles obscures pour proposer sa vision du mythe vampirique. Dracula reprend fidèlement (à quelques exceptions près) l’histoire du roman épistolaire de Stoker. Le jeune Jonathan Harker vient conclure une affaire immobilière au plus profond de la Transylvanie avec le comte Dracula. Ce dernier, traumatisé par la mort de son épouse, Elisabeta, quatre cents ans plus tôt, s’est métamorphosé en vampire immortel. L’inconsolable et monstrueux amoureux n’a jamais cessé de chercher les signes de réincarnation de l’être aimé. En regardant une photographie de la fiancée du jeune Harker, Mina Murray, il croit reconnaître sa dulcinée. En sortant du Dracula de Besson, on se demande bien pourquoi le réalisateur de Nikita a souhaité se plonger dans un univers qui n’est pas précisément le sien. La vision bessonienne de Dracula s’avère un triste palimpseste visuel du chef-d’œuvre gothique de Coppola sorti il y a trente-trois ans. Dans le fond, à peine sorti, le Dracula de Besson s’avère un film qui sent la poussière. Pas celle des récits bibliques, mais, plus prosaïquement, celle que l’on trouve sur les meubles remisés au grenier. Luc Besson n’a malheureusement pas réussi à apporter du sang neuf au mythe du vampire. O.D .