Par
Lou Batteux
Publié le
30 juil. 2025 à 11h11
Depuis début avril 2025 et l’expulsion de nombreux migrants du gymnase Félix-Masson, près de 250 personnes ont (ré) investi les pelouses du parc de Maurepas, dans le quartier Jeanne d’Arc. Et, face à l’affluence d’immigrés à Rennes, les moyens manquent.
Utopia 56, l’association qui vient en aide à ces réfugiés aux côtés de l’Interorganisation de soutien aux personnes exilées, a alerté la préfecture, le département et la mairie de Rennes sur les conditions plus que précaires auxquelles sont aujourd’hui confrontés ces migrants.
Des personnes sont privées de leur droit à l’hébergement, et notamment à l’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile, car il n’y a pas assez de places.
Marion Quercy
Coordinatrice d’Utopia 56 à Rennes
Pas d’eau chaude ni de douche ou d’électricité
À l’origine du problème se trouve donc le manque de refuges décents pour accueillir cette population migrante de plus en plus nombreuse à Rennes, selon les associations.
Dans le parc de Maurepas, l’absence de douche, d’eau chaude, d’électricité, de bâches, de matelas ou encore de couvertures pèse sur les occupants. Une rampe de quatre robinets d’eau potable a tout de même été installée récemment, à l’initiative de la mairie.
Alors qu’elle est en train de préparer du foutou (plat à base de banane plantain écrasée) pour son frère et elle – dans une des deux « cuisines » rudimentaires du camp – Élodie, une migrante établie dans le parc de Maurepas depuis un mois et demi, décrit les conditions de vie sur le camp, le front luisant de transpiration :
On n’a pas de douche. Il y a un camion-douche qui vient le mercredi et le dimanche, mais, en attendant, on se lave à l’eau froide dans les deux seules toilettes installées sur le camp. À cause de cela, je suis enrhumée.
Élodie
Une migrante établie dans le parc de Maurepas depuis mai 2025
Dans une cuisine de fortune, Élodie et son amie préparent à manger pour leurs proches. (© Lou Batteux / actu Rennes)Plus de 80 enfants
Et elle n’est pas la seule à en pâtir. Meriem, arrivée à Rennes depuis trois mois, exprime la « souffrance » qu’elle ressent face à son abri de fortune et à son fils malade.
Sur le site, plus de 80 enfants, dont six de moins de trois ans, grandissent dans des conditions médiocres, selon Trésor, le porte-parole du camp au sein du collectif des Immigrés Abandonnés et Mineurs Isolés de Rennes et Utopia 56.
Un manque de moyens de toutes parts
Ce sont des associations démunies qui interpellent donc les autorités, dans un dernier espoir. Les vacances des uns, la baisse de motivation des autres, mais aussi « la diminution des volontaires en service civique » ne participent pas à améliorer l’état des choses sur place. « On manque clairement de moyens et de ressources », déplore Marion Quercy, coordinatrice d’Utopie 56 Rennes.
Et ce n’est pas tout. « En août, les associations d’aide alimentaire ferment. » Seuls les Restos du Cœur et le Secours populaire restent présents pour aider les migrants. Sauf que là aussi, les aides s’amenuisent.
Les Restos du Cœur fonctionnent avec un système de points nous donnant accès à des plats. Récemment, ils ont baissé le nombre de points par personne. On est passé de 10 à 7. Avec ça, je peux manger un yaourt, mais pas un repas complet.
Trésor
Porte-parole du camp au sein du collectif des Immigrés Abandonnés et Mineurs Isolés de Rennes
Heureusement, d’autres associations et des particuliers leur viennent volontairement en aide en apportant à manger par exemple.
Les réactions de la Ville de Rennes
Face à cette situation et après avoir été interpellée par les associations, la Ville de Rennes répond toujours que « l’hébergement d’urgence est une compétence exclusive de l’État ». Pour autant, elle n’est pas restée passive.
Face à la saturation chronique des dispositifs nationaux, et dans un souci humanitaire, la Ville de Rennes met chaque soir près de 1000 personnes à l’abri en lieu et place de l’État. Face au développement du campement du parc de Maurepas, depuis le mois de mars, la Ville alerte la Préfecture sur la situation des personnes qui y ont trouvé refuge, afin qu’une solution d’hébergement leur soit proposée.
Maud Aybaly
Attachée de presse pour la Ville de Rennes
Chaque semaine, un agent municipal se rend sur le site « pour évaluer les situations individuelles des familles présentes et interpeller les acteurs institutionnels compétents ». Cela a permis de reloger « 35 familles, avec 78 enfants ». À partir de ce mercredi 30 juillet, un nettoyage du campement sera réalisé tous les 15 jours.
Sollicitée mardi 29 juillet 2025 par la rédaction d’actu Rennes sur les difficultés rencontrées par les associations et les habitants du campement, la préfecture ne nous a pas répondu à l’heure où nous publions cet article.
Un moral qui baisse et une inquiétude qui monte
Au-delà des conditions de vie médiocres, Marion Quercy évoque les risques de violence auxquels les réfugiés du camp sont exposés. « On est inquiets pour la sécurité des femmes et des enfants », confie-t-elle.
En clair, si la situation ne tend pas à s’améliorer, Utopia 56 et les autres associations du secteur n’auront « pas le choix que d’abandonner le terrain ».
Si vous souhaitez leur apporter du soutien, vous pouvez effectuer des dons de tentes, de matelas, de couvertures, de gazinières et même de casseroles sur le site de l’association Utopia 56.
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