S’il y a un dieu des assurances, il s’est manifesté par un curieux hasard en avril dernier, dans le 15e arrondissement de Marseille, sur le parking de Grand Littoral. Ce jour-là Adem et Cecilia allaient simplement faire leurs courses en voiture au centre commercial.
Mais, techniquement, ce n’était plus vraiment leur véhicule.
Car depuis plus d’un an déjà, le couple avait trouvé une solution pour mener la belle vie sur le dos des assurances. Ils multipliaient les « coups d’assur' », des déclarations de sinistres imaginaires appuyées par de fausses plaintes et des factures contrefaites, pour obtenir réparation de préjudices tout aussi fictifs. Parmi une dizaine de sinistres, donc, en août 2024, ils s’étaient aussi fait « voler » leur Smart. Du moins, pour les assurances, et même les services de police auprès desquels ils avaient déposé plainte.
Les escrocs croisent par hasard l’une de leurs victimes
Gourmands, ils avaient toutefois conservé le véhicule. Mais pour rouler avec sans trop de risques, ils avaient pris le soin de monter de fausses plaques minéralogiques. L’immatriculation était celle d’une autre Smart, de modèle et couleur identiques. La technique dite de la « doublette » suffit généralement à tromper un contrôle. Mais pas de chance, ce jour d’août 2024, la propriétaire de la vraie Smart a croisé le véhicule faussement plaqué sur ce parking de Grand Littoral, avec le couple au volant.
La victime a appelé la police et déposé plainte, comprenant pourquoi elle recevait depuis des mois, des PV pour des infractions routières qu’elle n’avait jamais commises…
« Il y a à peu près aucune chance pour que ça arrive, c’est un énorme retour de karma« , sourit un enquêteur du groupe « vol violence » du commissariat nord, lancé sur les traces de ce couple d’escrocs durant plusieurs mois.
Car à partir de la plainte de la propriétaire de la Smart aux plaques usurpées, les policiers et jusqu’à leur secrétariat ont retrouvé la trace de dizaines de procédures suspectes.
Des sinistres douteux
Les assurances aussi ont transmis des signalements pour des sinistres douteux. En examinant les plaintes fournies aux compagnies, les enquêteurs ont alors découvert que certains numéros de procédures n’existaient tout simplement pas dans leurs bases de données. Et pour cause, ces PV avaient été falsifiés à partir d’autres plaintes, réelles, celles-là… mais portant sur de faux sinistres.
Comme ce prétendu cambriolage de mai 2023, premier d’une série de près de 60 faits, auxquels se sont ajoutés, entre faux vols d’ordinateurs et de téléphones, de multiples infractions – dont l’usurpation de l’identité des policiers qui avaient rédigé les vraies plaintes.
Plus de 30 000€ de préjudice
À l’aide d’images de vidéosurveillance et de recoupements de téléphonie, les enquêteurs du groupe « Vol violence » ont retrouvé la trace du couple, aux adresses fluctuantes, et démontré que la plupart des délits qu’ils avaient dénoncés étaient imaginaires. Tous deux voyageaient beaucoup, surtout depuis qu’ils étaient en arrêt maladie, à la suite de curieux accidents de la route sur le chemin du travail…
Convoquée à la division Nord le 22 juillet dernier, la jeune femme âgée d’une trentaine d’années a été placée en garde à vue, tandis que son compagnon était repéré et interpellé par des agents du service de sécurisation des transports (SISTC).
Des constats d’accidents imaginaires
La fouille de la fameuse Smart aux fausses plaques a permis de trouver des constats d’accidents imaginaires et même un chéquier volé à leur employeur, ajoutant encore une infraction à la longue liste des faits finalement reconnus par les deux suspects, pour un préjudice estimé à plus de 30 000€.
Déféré dans la foulée de sa garde à vue, le couple a fait l’objet d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), une procédure de « plaider coupable », au terme de laquelle ils ont été condamnés chacun à 18 mois de prison, plus de 15 000€ d’amende et une interdiction d’exercer dans la fonction publique durant 5 ans. Des ordinateurs et de l’argent saisis lors des perquisitions ont également été confisqués. Un renvoi sur intérêts civils permettra par ailleurs d’ici plusieurs mois de fixer les montants des indemnisations à verser aux victimes, dont les compagnies d’assurances.